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Ewa

Billettique. La nouvelle donne

Billettique conférence 05-21

Il y a un an et demi, la LOM était adoptée, prévoyant l’ouverture de certaines données sur les transports. Le but : favoriser des applications MaaS d’informations et de paiements pour faciliter les déplacements des voyageurs et leur proposer un service sans couture. Dans le monde de la billettique, c’est l’effervescence car, à partir de juillet 2021, il sera possible pour toutes les entreprises quelles qu’elles soient, de demander aux autorités organisatrices de la mobilité de vendre des déplacements, via des plateformes MaaS. Comment les opérateurs de transport et les professionnels de la billettique se préparent-ils à cette échéance cruciale ? Quelles sont les innovations possibles ? Comment concilier intérêt public et privé ? Ce sont quelques-unes des questions qui se sont posées lors du débat organisé le 20 mai par VRT.

L’ouverture des données constitue une évolution « majeure » en termes d’offre de mobilité et de services, reconnaît d’emblée Thierry Falconnet, président chargé des Transports de Dijon Métropole. Mais avec la crise sanitaire, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont dû gérer d’autres priorités. « Dijon métropole a dû s’adapter à 22 protocoles sanitaires successifs en l’espace de 15 mois pour assumer une continuité de services, en collaboration avec son délégataire de service. Sur l’année 2020, les recettes accusent une baisse de sept millions d’euros, et de moins de 10 millions en comptant 2021, avec des craintes importantes sur le Versement mobilité. Nos priorités n’allaient donc pas à la mise en conformité avec la LOM mais à parer au plus pressé pour continuer à proposer une offre de qualité », tient-il à rappeler en préambule. Dijon Métropole dispose toutefois d’un peu de répit pour s’y préparer, compte tenu de sa taille. « Nous avons jusqu’en 2023 pour nous mettre en conformité. Nous travaillons avec un délégataire de service public, Keolis, qui gère toutes les mobilités intégrées dans une offre globale, dans tous ses aspects, avec le transport en commun, le tram, le bus, les navettes et aussi les mobilités actives comme la location de vélo et, dernièrement, le stationnement en ouvrage et sur voiries », détaille ce responsable des mobilités, pour qui les enjeux vont tourner autour des questions d’intermodalité, et d’interopérabilité. Cette problématique s’articule notamment autour des futurs projets de MaaS, un bouquet de services pour lequel chaque prestataire présent lors de cette conférence a développé sa vision.

 » NOUS AVONS JUSQU’EN 2023 POUR NOUS METTRE EN CONFORMITÉ. NOUS TRAVAILLONS AVEC KEOLIS, QUI GÈRE TOUTES LES MOBILITÉS INTÉGRÉES DANS UNE OFFRE GLOBALE, DANS TOUS SES ASPECTS.  » Thierry Falconnet

Un service sans couture

Pour Philippe Vappereau, PDG de Calypso Networks Association, le MaaS consiste à offrir des services de mobilité de porte-à-porte et « seamless » (sans couture) : « Nous proposons vraiment une offre intégrée de bout en bout, avec le transport public et tous les nouveaux services comme la bicyclette, la trottinette ou le rabattement sur un parking. L’objectif est de faciliter l’intégration de ces différents services, comme le transport public qui fonctionne avec des solutions de cartes de transport comme nous pouvons en proposer, ou bien des services de bicyclette qui s’appuient plutôt sur des solutions de QR Code ou du paiement bancaire direct. Notre objectif est donc de proposer des solutions qui uniformisent l’accès avec la même performance quel que soit le support utilisé », expose-t-il.

La fluidité du parcours est également évoquée par Eric Alix, PDG de RATP Smart Systems. Pour lui, le MaaS doit répondre aux attentes de l’utilisateur, c’est-à-dire offrir une solution intégrée dans son téléphone, toujours à portée de main, lui permettant d’accéder à toute l’offre de transport, quel que soit le mode. « L’utilisateur va pouvoir faire ses choix en disposant de toutes les informations et de toutes les connexions dans son téléphone. Pour moi, c’est la meilleure façon de libérer le choix car il va falloir s’adapter aux nouvelles contraintes d’accès à la ville, avec la mise en place de ZFE et des interdictions temporaires de circulation. Il faudra savoir être souple et accepter de changer ses routines. Or, c’est très difficile, et l’application va justement permettre d’aider les utilisateurs à s’adapter aux changements », commente Eric Alix. « Rappelons aussi que la LOM confie à l’autorité organisatrice la gestion de l’écosystème sur son territoire. Sa politique de mobilité sera déclinée à travers les algorithmes permettant l’affichage des points d’intérêts sur une carte, les recherches d’itinéraires et la consommation des forfaits et des tickets. Le MaaS, c’est l’intégration de tout cela de manière très fluide », ajoute-t-il.

 » LE FAIT D’AVOIR UN SMARTPHONE NE GARANTIT PAS L’UTILISATION D’APPLICATIONS. D’AILLEURS, UNE MAJORITÉ D’UTILISATEURS D’ANDROID N’UTILISE JAMAIS LES APPLICATIONS DE SON TÉLÉPHONE.  » Philippe Vappereau

L’avance française

Alexandre Cabanis, directeur marketing d’Ubitransport, tient, quant à lui, à rappeler le contexte unique de la situation française par rapport au reste de l’Europe : « Nous avons l’avantage d’avoir un temps d’avance grâce à la LOM. D’ailleurs, la Commission européenne nous scrute de près. Elle s’intéresse notamment à l’article 28 qui permet l’ouverture de la distribution et la vente de titres, et il se peut que la France soit copiée », souligne-t-il. Selon le directeur de cette société spécialiste des services intelligents de mobilité, « certains acteurs vont pouvoir répondre au besoin d’information, d’un point de vue front-office, avec une ergonomie parfaite pour les usagers, tandis que d’autres acteurs seront plus à l’aise sur le côté transactionnel, donc plutôt back-office, qui demande un savoir-faire particulier ». Et il insiste sur le fait que le transport collectif doit rester l’élément central du MaaS.

Christophe Sanglier, directeur des Avants Projets Ticketing & MaaS chez Conduent, ajoute qu’il est essentiel d’orienter l’utilisateur vers les objectifs les plus vertueux. « Nous devons permettre aux collectivités de satisfaire la demande des utilisateurs, pour qui la notion de préférence reste centrale – en termes de temps, de tarifs, de modes plus ou moins écologiques –, mais nos outils doivent également orienter les utilisateurs dans le sens commun. »

Le MaaS permet de répondre à ces deux attentes, affirme de son côté François Mottet, responsable de la Gestion des produits et de la Stratégie de Flowbird Group. « Elle donne aux utilisateurs finaux un accès facile à toutes les mobilités sur un territoire, en leur permettant de planifier et de payer les différents titres de transport », précise-t-il. Mais il faut aussi répondre aux demandes des opérateurs et des collectivités qui désirent garder la main sur leur mobilité grâce à une plateforme technique qui permet de privilégier l’intérêt collectif. « Cela nous différencie par rapport à d’autres opérateurs du privé qui vont chercher à privilégier certains services au détriment des autres », prévient-il.

 » LE MAAS PERMET DE GÉRER LE PROBLÈME DE CONGESTION DANS LES VILLES, GRÂCE À LA COMBINAISON DU TRANSPORT EN COMMUN AVEC D’AUTRES MODES. «  Eric Alix

La maîtrise des données

Une allusion aux Gafa, exprimant la crainte d’une perte de la maîtrise des données utilisateurs. Cet enjeu semble majeur pour Thierry Falconnet, qui estime nécessaire « d’avoir une vision globale des dessertes pour avoir un retour sur le comportement des voyageurs afin de cibler leurs attentes ».

Selon lui, « cela demandera un accompagnement fort de la part des prestataires, car les AOM ne sont pas dans une relation entreprise-clients mais collectivité-usagers ». D’autres questions se posent, comme celle de la protection des données. « Par exemple, qui doit concentrer et analyser ces données ? Un entrepreneur privé ou bien l’autorité organisatrice ? ». Avant d’apporter une première réponse : « Les opérateurs doivent se conformer aux choix des AOM qui organisent leur mobilité sur leur propre territoire ».

Sur ce point, Christophe Sanglier se veut rassurant. « En tant que billetticien, nous pouvons donner toutes les garanties d’ouverture des données billettique, qui appartiennent déjà aux collectivités. La difficulté serait plutôt de pouvoir extraire ces données pour les mettre à disposition de tiers notamment pour la distribution afin qu’ils puissent les commercialiser sous forme d’un QR Code, ou d’un titre mobile dématérialisé, voire recharger un titre sur une carte physique », indique le responsable de Conduent.

Egalement interrogé sur des questions de souveraineté, Eric Alix indique que les AOM ont l’habitude de gérer des infrastructures de transport collectif, mais qu’avec la LOM, elles vont devoir « brasser » de nouvelles mobilités. « Cela implique de nouvelles responsabilités de régulation pour les AOM, qui vont devoir définir une stratégie et la décliner à travers un écosystème, qui existe ou qui n’existe pas encore, sur leur territoire. Plus il y aura d’acteurs de la mobilité et plus cela nécessitera de la coordination, ce qui multipliera les contrats avec un ou plusieurs acteurs, en allant plus ou moins loin avec chaque acteur mais en veillant à maintenir une équité entre tous », estime le patron de RATP Smart Systems.

Si une AOM souhaite lancer une application MaaS, elle aura besoin de créer une plateforme ainsi que des offres, tout en animant une base client et en faisant de l’acquisition. « On est bien au-delà d’un simple outillage car il faut aussi qu’il y ait de la gouvernance, la gestion d’un écosystème avec des contrats à mettre en place », souligne encore Eric Alix. Les prestataires de services sont là pour les accompagner.

 » NOUS AVONS L’AVANTAGE D’AVOIR UN TEMPS D’AVANCE GRÂCE À LA LOM. D’AILLEURS, LA COMMISSION EUROPÉENNE NOUS SRUCTE DE PRÈS.  » Alexandre Cabanis

Le défi de la confidentialité

Comment garantir la confidentialité des données usagers ? Alexandre Cabanis rappelle « qu’on ne part pas de nulle part : la RGPD offre un premier cadre qui devra être affiné dans le domaine transactionnel et billettique, on attend pour cela le décret de l’article 28 de la LOM qui devrait donner des précisions ». Et d’ajouter : « Les données appartiennent aux collectivités. On leur donne les clés pour faire ce qu’elles veulent. On met en place également des dictionnaires pour les récolter et les comprendre, afin d’adapter l’offre en fonction des usages ». Concernant la souveraineté, il évoque l’exemple de la ville de Berlin, qui a choisi d’héberger ses données MaaS chez un hébergeur américain, malgré le fait que le Cloud Act oblige potentiellement tout fournisseur américain à transmettre les données qu’il héberge à son gouvernement sur demande. « Les Allemands sont pourtant les fers de lance en Europe pour pourfendre le Cloud Act américain. Mais Berlin a préféré arbitrer en faveur de la qualité de service, quitte à tirer un trait sur sa souveraineté. » Il y a donc un arbitrage à effectuer.

D’autres soucis peuvent aussi se poser, cette fois-ci en matière de sécurisation des données. « Les incendies récents à Strasbourg chez l’hébergeur OVH ont eu des impacts directs dans le secteur en matière de continuité de services (billettique, remontées de données). Ubitransport n’a pas été concerné mais certains concurrents l’ont été durement. Cet événement a permis un réveil salutaire, qui a enclenché toute une série de garanties en matière de plan de continuité. »

 » PEUT-ÊTRE POURRA-T-ON ALLER JUSQU’À OFFRIR UN TÉLÉPHONE, CERTAINS Y ONT PENSÉ. ON RECEVRAIT UN SMARTPHONE DANS UNE AGENCE DE MOBILITÉ, C’EST UNE SOLUTION POSSIBLE.  » Christophe Sanglier

La risque de la fracture numérique

Dans un monde idéal, tous les utilisateurs de transport se serviraient de leur téléphone pour se renseigner sur les possibilités de trajets, puis pour payer leurs déplacements en s’informant, en temps réel, du moindre aléa.

Mais cela reste un vœu pieux car il faut tenir compte de la fracture numérique et ne laisser personne au bord du chemin. « Nous avons effectivement proposé ce type de service sur Dijon avec Divia Mobilités. C’est très fluide pour ceux qui ont la maîtrise de ces applications mais je suis aussi président de l’association des maires et banlieues de France, et je sais bien que tous les usagers n’ont pas forcément de smartphones et, s’ils en ont un, ne s’en servent pas forcément pour rechercher des horaires et se déplacer », souligne Thierry Falconnet. L’élu explique qu’il y a encore 5 à 7 % de ventes à bord sur Dijon Métropole, avec une population « très loin » des offres sur mobile, et qui n’est pas seulement constituée de voyageurs occasionnels. « Il ne faut pas oublier les voyageurs captifs de la mobilité. Dans le quartier de politique de la ville d’intérêt national de Chenôve, on compte moins d’un véhicule par ménage contre trois dans les quartiers les plus riches. C’est donc une population qui dépend des transports en commun pour aller au travail et faire des démarches à la CPAM. Ce n’est pas une mince question pour ces populations toujours laissées pour compte dans les grands mouvements de progrès techniques. »

Même tonalité du côté de Philippe Vappereau : « Le smartphone reste au cœur de la mobilité, mais le fait d’avoir un smartphone ne garantit pas l’utilisation d’applications. Si l’on regarde la répartition du parc, on compte 80 % de smartphones Android et 20 % de smartphone IOS (Apple), mais au niveau des usages d’applications, c’est du 50-50. Donc une majorité d’utilisateurs d’Android n’utilise jamais les applications de son téléphone ».

« Attention aux angles morts ! », prévient aussi François Mottet. « Il ne faut pas oublier les usagers occasionnels qui ont besoin de tickets, il faut savoir rester pragmatique ». Et d’évoquer des solutions qui complètent les applications mobiles, comme l’open payment, et, pour les réfractaires à la carte bancaire, l’installation de kiosques multiservices. « Flowbird en dispose de 300 000 à travers le monde. C’est plus qu’un parcmètre. Cela permet d’acheter des titres de transport ou de stationnement, de louer (ou recharger) des véhicules électriques et des vélos. Ces kiosques font également office de bornes de taxi. »

Christophe Sanglier acquiesce. « On constate une inertie phénoménale car on n’a jamais vu autant d’appels d’offres pour des systèmes conventionnels, avec le renouvellement de machines physiques pour avoir des points de rencontre avec des personnes, et ceci partout dans le monde. Peut-être pourra-t-on aller jusqu’à offrir un téléphone, certains y ont pensé. On recevrait un smartphone dans une agence de mobilité, c’est une solution possible », avance-t-il.

Pour Eric Alix, il existe de multiples façons pour ne laisser personne de côté. « L’une de nos pistes de travail consiste à faire un lien entre le MaaS numérique et le MaaS physique. Nous disposons de beaucoup d’agents en stations qui peuvent aider les voyageurs et les guider. C’est un nouveau métier : il faut aller chercher les clients car le MaaS permet avant tout de gérer le problème de congestion dans les villes, grâce à la combinaison du transport en commun et des autres modes pour le premier et le dernier kilomètre. »

Mieux vaut, en effet, ne pas oublier la finalité du MaaS qui vise avant tout à limiter l’usage de la voiture, surtout quand il n’y a qu’une seule
personne à bord. « Ce qu’on ne souhaite surtout pas favoriser, c’est l’autosolisme », lance Thierry Falconnet. « Sur Dijon, on compte 37 000 véhicules qui entrent et sortent chaque jour dans la métropole, avec, en corollaire, la pollution et des engorgements sur les points d’entrée. C’est l’une des conséquences de la crise de la Covid. On s’en rend compte notamment avec la part des recettes du stationnement en voirie qui augmente. On a vécu une année exceptionnelle en 2019 avec l’augmentation de la part du transport en commun et des mobilités actives, grâce à des opérations comme « Dijon sans ma voiture » qui montaient en puissance. Et puis, la crise sanitaire est arrivée. Il va falloir regagner des parts modales », explique-t-il.

 » CELA NOUS DIFFÉRENCIE PAR RAPPORT À D’AUTRES OPÉRATEURS DU PRIVÉ QUI VONT CHERCHER À PRIVILÉGIER CERTAINS SERVICES AU DÉTRIMENT DES AUTRES.  » François Mottet

La multiplicité des choix

La multiplicité des choix de transport sera, en partie, gérée par des algorithmes capables de faire correspondre les choix individuels aux impératifs dictés par les aléas du moment et les orientations transport définies par les collectivités. Mais peut-on faire confiance à des prestataires privés ? « On doit être garant de l’intérêt collectif », affirme François Mottet. « Uber ne se soucie pas de faire passer les voitures devant une école à 11 h 30 du matin. Alors que quand on gère les mobilités d’une collectivité via un partenariat public-privé, on cherche à limiter les passages devant les écoles entre 11 heures et midi en mettant en place des algorithmes d’intérêt collectif, qui vont pousser telle mobilité en fonction de l’heure, ou pousser pour une mobilité plus verte avec des modes doux, en fonction de la météo et de la préférence des utilisateurs, comme le choix du vélo », précise-t-il.

Pour gérer la complexité des choix de voyages sans dépendre d’un géant du calcul d’itinéraires, la RATP a ainsi racheté Mappy, troisième application de mobilité derrière Google et Waze comme se plaît à le rappeler Eric Alix. Ce rachat permet aussi de s’adresser aux 12 millions de visiteurs qui utilisent l’application chaque mois, dont 80 % le font pour des trajets en voiture : « A Paris on aura des quartiers qui seront réservés aux vélos et sans voiture à certains moments. Il faudra encourager le fait que l’automobiliste se rapproche du centre-ville mais n’y rentre pas et se gare dans un parking relais. On pourra proposer des trajets alternatifs à la voiture, ou du covoiturage pour partager un véhicule, ou bien encore suggérer un trajet en voiture à un utilisateur de transport en commun qui souhaite gagner du temps », détaille-t-il. Mais pour bien réussir, il n’y a pas de secret. « Il faudra maîtriser parfaitement la data, avec deux choses à concilier, d’abord la personnalisation des besoins individuels, la préférence des modes et aussi la suggestion liée à l’étude du comportement individuel. Mais on devra aussi s’accorder avec la politique de mobilité qui ne doit pas être trop rigide pour 80 000 ou 500 000 personnes, sinon cela risque de ne pas fonctionner. » Pour ces raisons, RATP Smart Systems a créé son propre Data Lab, « avec pas mal de datas scientists pour travailler sur ces sujets. Ce sera via l’appli Mappy et RATP et aussi dans les applis qu’on proposera en marque blanche ».

Le recours à la personnalisation des trajets signifie-t-il le glas de l’abonnement forfaitaire ? C’est l’une des tendances remarquée par Calypso. « Beaucoup d’AOM développent le « pay as you go ». On le voit en Ile-de-France notamment. Il s’agit de proposer le meilleur tarif quelle que soit la consommation de transport et cela en couvrant tous les usages. Cette tendance se développera d’autant plus après la pandémie car les gens ne seront plus enclins à payer pour un abonnement forfaitaire de transport en commun. Ils préféreront un paiement à l’usage entre le transport public et les nouvelles mobilités. On ne pourra plus les enfermer dans des schémas tarifaires », estime Philippe Vappereau.

Les dangers côté Gafa

Google, Apple ou Uber deviendront-ils les premiers vendeurs de billets de transports en France ? Les craintes sont légitimes qu’il s’agisse de pertes de données clientèles ou bien de pertes financières. Les Gafa risquent de profiter de l’ouverture de données sans participer au financement des infrastructures, s’inquiète-t-on à Dijon. « Leur métier c’est de maîtriser la donnée, mais qui va payer pour les infrastructures ? Dijon Métropole a installé 20 km de tramway (une dépense de 400 millions), et mis en place une solution d’open payment grâce à un partenariat public-privé, une solution originale à laquelle la collectivité, et donc l’usager et le contribuable, ont très largement contribué. Voir des entreprises privées s’emparer de tous ces investissements sans nécessairement des contreparties c’est une vraie question par rapport à l’argent public », souligne Thierry Falconnet. Une interrogation partagée par François Mottet : « un des points positifs de la LOM, c’est l’explosion des canaux de vente. Les Gafa pourraient avoir un certain intérêt à vendre des titres, mais comment va s’effectuer le partage des données générées ? Cela peut être dangereux si elles ne sont pas communiquées ». Selon lui, la situation sera différente selon la taille de l’agglomérations. Google pourrait se positionner à l’échelon national en se concentrant sur les plus grosses villes et proposer des billets unitaires sans tenir compte des situations particulières et leurs innombrables réductions tarifaires. « Google ne va pas s’amuser à les gérer. »

Alexandre Cabanis se veut pragmatique : il ne faudra pas craindre les plateformes si elles se contentent de vendre de titres sans opérabilité : « Dans ce cas, cela fera pschitt, mais si elles proposent un véritable parcours d’un point A à point B, cela sera très différent ».

Eric Alix estime que tout dépendra du niveau d’intégration des MaaS. « Il y a les niveaux 1 et 2 – l’information voyageurs et la vente du titre –, pour lesquels la LOM impose l’ouverture de la vente de titres. Mais il y a aussi des modèles plus ambitieux, le niveau 3 avec une logique de forfait et enfin le niveau 4, le Graal du Maas, qui consiste à combiner les titres. Si le marché du transport reste sur les niveaux 1 et 2, les gros acteurs de la mobilité risquent de prendre une bonne partie des ventes. Le salut viendra d’une intégration beaucoup plus forte en termes d’offres billettique avec la proposition de nouveaux services comme le vélo, la trottinette ou le parking. »

Mais attention, il ne faudrait pas que la part la plus « lucrative » (les niveaux 1 et 2) soit utilisée par les grands opérateurs, et que la gestion des niveaux 3 et 4 soit soutenu uniquement par les AOM, alerte Thierry Falconnet : « il faut éviter une offre à deux vitesses avec tous les investissements soutenus par les AOM tandis que le bénéfice irait uniquement aux gros opérateurs privés ». Pourtant, certaines petites agglomérations, jusqu’à 300 000 habitants, trouvent à l’inverse qu’elles ont plus à gagner à faire distribuer leurs titres par des tiers, soutient Christophe Sanglier : « cela représente des nouvelles opportunités de distribution, qui s’avèrent supérieures au risque de voir capter la maîtrise nominative de leurs clients », objecte-t-il.

Les collectivités doivent donc apprendre à s’approprier le MaaS, un marché en plein devenir et dont le business model n’est pas encore établi. « Les premiers projets mis en place en Scandinavie ne sont pas rentables. La collectivité n’est pas forcément en mesure de payer le service en totalité alors qu’elle a d’autres arbitrages à faire », rappelle Christophe Sanglier. Pour François Mottet, les AOM devront veiller à toujours donner la priorité à l’intérêt collectif tandis qu’Alexandre Cabanis estime que « l’un des enjeux pour les AOM sera de pouvoir trouver les meilleurs acteurs, capables de travailler collectivement ». Pour Philippe Vappereau, il reste encore beaucoup de questions sur la LOM, en particulier celles qui touchent à la gouvernance : « Il faut trouver un dialogue entre le public et le privé, aux objectifs différents, ce qui est loin d’être simple ». D’où ce mot de conclusion formulé par Eric Alix et largement partagé : « l’AOM a pour rôle de créer un écosystème et de le rendre vivant sur son territoire ».

Grégoire Hamon

Ewa

Taxirail pourrait redonner vie à des lignes désaffectées en Lorraine

Taxirail

Et si, en Lorraine, dès 2024 dans le cadre du développement des mobilités, le Taxirail, un véhicule ferroviaire innovant, commençait à circuler sur une ligne de chemin de fer désaffectée ? Explications.

L’association T2SB (Train touristique Sarreguemines-Bitche) a coopéré avec l’entreprise Exid Concept & Développement dans le cadre d’un projet innovant susceptible d’améliorer la mobilité en Lorraine dans le pays de Sarreguemines-Bitche : le Taxirail, un service ferroviaire de mobilité décarboné qui doit permettre de redonner vie à des liaisons ferroviaires délaissées. La Région Grand Est, la Communauté de communes de Bitche et la Communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences apportent un soutien financier au projet de ces véhicules fabriqués en France et assemblés à Colmar.

« Taxirail est une solution sociale, sociétale et environnementale », affirme Michel Albrand, directeur associé de l’entreprise Exid Concept & Développement. L’idée ? Elle est simple : il s’agit d’utiliser l’ancienne ligne TER, qui est déclassée et fermée en y faisant circuler en alternance le Taxirail d’Exid Concept & Développement, et le train touristique de T2SB. Constitué de modules autonomes, le Taxirail pourra emprunter la ligne de chemin de fer afin de transporter les voyageurs de Sarreguemines jusqu’à Niederbronn. « Comme nous ne pouvons pas circuler sur le réseau ferré national, le départ se fera depuis le site des anciennes faïenceries de Sarreguemines pour ne pas gêner la SNCF », précise Sonny Sandler, le président de T2SB. Le tarif des voyages n’est pas encore fixé, « mais il sera d’un coût modéré afin d’être attractif et de séduire le plus grand nombre d’utilisateurs possible », annonce Exid.

Objectif 2024

« Légèreté, innovation, zéro carbone, intelligence artificielle… les modules Taxirail sont adaptés aux petites lignes ferroviaires. Ce nouveau moyen de transport préserve l’infrastructure, ne pesant que 11 tonnes, contre 130 tonnes pour un TER type Régiolis. Il est 100 % écofriendly», poursuit Michel Albrand.

Avec lui, Sonny Sadler, président de T2SB, et Olivier Weissend, secrétaire, ont présenté le dossier au sous-préfet de Sarreguemines, Christophe Salin. Tous trois croient en la faisabilité du Taxirail à l’horizon 2024. « Notre association T2SB travaille depuis plus d’un an sur le thème de la mobilité. Ce projet est totalement compatible avec notre projet de train touristique et l’écotourisme », résume Olivier Weissend.

 « Les navettes sont dotées d’un moteur électrique alimenté par une batterie. Celle-ci peut être rechargée par un moteur auxiliaire qui produit de l’électricité grâce à la combustion de biogaz combustible ou à une pile à hydrogène », détaille Michel Albrand. « On atteint un score de réduction des émissions de CO2 de 360 tonnes/an pour une ligne de 30 km et une réduction de 99 % des émissions de particules. Autre atout, le Taxirail est un véhicule silencieux, gage d’une réduction du bruit en zone habitée. »

La capacité est de 40 places (16 places debout et 24 places assises + PMR) et la vitesse maximale du véhicule  de 90 km/h. « Il pourra circuler en cadencement ou à la demande 24h/24h, 7 jours sur 7. La réservation se fera par application depuis un smartphone ou d’une borne installée en gare. »

Lors des circulations, la présence sur la voie d’un animal, d’un arbre ou d’une voiture peut être détectée jusqu’à 200 mètres par la combinaison de radars et de lidars, des appareils munis d’un faisceau laser et mesurant très précisément les distances. A noter enfin, la possibilité d’assembler jusqu’à trois modules pour obtenir 120 places.

Jean-Georges Léturgie

Ewa

Les opérateurs de fret craignent que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens 

Franck Tuffereau

Les opérateurs de fret attendent la présentation du plan de relance pour le fret ferroviaire, conformément à ce que prévoit la LOM. Franck Tuffereau, coordinateur de l’alliance 4F et délégué général de l’Afra (Association française du rail), explique à VRT les attentes du secteur.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan dressez-vous de l’année 2020 et du début 2021?

Franck Tuffereau. Notre secteur a moins souffert que d’autres, comme le tourisme ou la restauration. Le ferroviaire a assuré des acheminements qui n’étaient pas proposés par la route. Le fret ferroviaire n’est pas en détresse comme peut l’être le transport de voyageurs.

Toutefois, en plus de la crise sanitaire, le secteur a souffert de la mise en service du nouveau logiciel d’attribution des sillons, baptisé SIPH, pour organiser le nouveau service en décembre dernier. Sa mise en place a rencontré de grandes difficultés. SNCF Réseau s’est mobilisé et a mis sur pied une cellule de crise. Des horairistes non concernés par ce logiciel, y compris des horairistes de réserve, ont été appelés pour surmonter les difficultés et des sillons de dernière minute ont été attribués.

Le transport de fret a été davantage pénalisé que le transport de voyageurs dont le service annuel est préparé plus en amont, 18 mois en avance. Cela apporte plus de visibilité dans la construction du service. Aujourd’hui, nous rencontrons encore des difficultés même s’il y a des améliorations.

VRT. Quelles sont les pertes du secteur ?

F. T. De nombreuses entreprises ferroviaires de fret sont dans le rouge. Durant le premier confinement, l’industrie lourde par exemple a arrêté sa production.

Au début de la crise sanitaire, le volume a baissé de 20 à 30 %. Désormais les trafics ont repris, notamment la sidérurgie et l’industrie automobile. Il y a eu un gros effort réalisé par l’Etat qui a décidé d’instaurer la gratuité des péages durant les six derniers mois de 2020 et de les réduire de moitié sur toute l’année 2021 pour toutes les entreprises ferroviaires de fret.

Mais aujourd’hui, les clients manquent de visibilité sur les mois à venir.

VRT. Que demandez-vous ?

F. T. L’alliance 4F qui a été créée, a formulé un certain nombre de préconisations. Elle demande un milliard d’euros pour la sauvegarde du fret ferroviaire et 1,5 milliard d’euros par an sur une dizaine d’années pour arriver à l’objectif de doubler la part du fret ferroviaire à l’horizon 2030.

La grosse difficulté, ce sera de tenir dans le temps. Il y a des promesses mais on a déjà connu dans le passé des plans pour sauver le fret qui se sont perdus avec le temps.

Il y a aussi le plan d’urgence qui prévoit plus de quatre milliards d’euros en faveur de SNCF Réseau. Le ministre des Transports doit désormais présenter le plan de relance pour le fret ferroviaire comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités (LOM) dans son article 178.

La LOM aurait dû être appliquée au 1er janvier mais les équipes techniques ont pris du retard. Nous nous attendons à ce que le plan de relance reprenne les préconisations de l’alliance 4F. Nous sommes plutôt optimistes.

Mais comme il y a énormément d’actions et de travaux qui concernent l’infrastructure ferroviaire dans les années à venir (notamment la résorption des nœuds ferroviaires), nous craignons que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens. D’autant que son contrat de performance avec l’Etat n’est pas encore écrit. C’est notre grosse crainte.

VRT. Dans ce paysage, quel doit être le rôle de Fret SNCF ?

F. T. Nous avons besoin de Fret SNCF pour l’avenir du secteur. Fret SNCF a intérêt à se développer sur les créneaux qui lui apportent une situation pérenne. Cette entreprise va obtenir une aide spécifique pour les wagons isolés. Cela devrait aussi inciter d’autres acteurs à se positionner sur ce créneau.

Nous souhaitons mettre en place des systèmes informatiques pour optimiser ce type d’activité. L’alliance 4F planche avec des groupes de travail sur ces systèmes et cherche des prestataires pour mettre en place des dispositifs qui permettent de relancer le fret ferroviaire. Nous portons à la fois des demandes d’aide publique et des engagements des opérateurs.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France »

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Après avoir dirigé pendant 15 ans Infrabel, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge, et réussi sa modernisation, Luc Lallemand avait le profil idéal pour prendre la direction de SNCF Réseau. Aux commandes depuis le 1er mars 2020, il a pour mission de poursuivre la modernisation d’un réseau de 30 000 km de ligne et de respecter une trajectoire financière permettant d’aboutir à l’équilibre financier dans trois ans.

Depuis un an à la tête de SNCF Réseau, Luc Lallemand peut désormais dresser un premier bilan, qu’il a détaillé lors de sa participation au Club VRT le 8 mars. Mais avant, il tient à saluer un « réseau ferroviaire français fabuleux », comme pour prendre le contre-pied de critiques si souvent entendues. « Les Français sont très critiques sur leur pays », s’étonne-t-il. Toutes les populations européennes ont un rapport affectif avec les chemins de fer, poursuit Luc Lallemand. Mais, selon lui, c’est en France qu’il y a « la plus grande aspiration au transport ferroviaire ».

“ MALGRÉ UN RÉSEAU VIEILLISSANT, ON PARVIENT TOUT DE MÊME À PRODUIRE EN FRANCE UNE QUALITÉ DE SERVICE COMPARABLE À CELLE D’AUTRES PAYS 

Venant de Belgique, le dirigeant du réseau ferré français (30 000 km de ligne, dont 2 600 km de LGV), se dit aussi stupéfait du niveau de critiques vis-à-vis du chemin de fer. Une sévérité injustifiée selon lui : malgré un réseau vieillissant, nécessitant des investissements colossaux pour la partie qui ne relève pas du TGV, on parvient tout de même à produire en France une qualité de service comparable à celle d’autres pays, assure-t-il.

« Si le réseau ferré français est surtout connu pour son TGV, il ne faut pas oublier que c’est un réseau de très haute performance, envié par toute l’Europe et même le monde entier » , souligne-t-il.

Toutefois, le réseau structurant classique, « a pâti durant plusieurs décennies du financement du TGV, qui s’est fait à ses dépens », rappelle-t-il.

SNCF Réseau travaille donc à la mise à niveau des lignes UIC 2 à 6, les plus parcourues, avec l’objectif de les remettre dans la moyenne européenne d’ici sept à neuf ans. « Une nécessité », affirme Luc Lallemand qui rappelle que l’âge moyen des composants des voies atteint parfois 29 ans.

Le pacte ferroviaire adopté en 2018 va y aider. Selon le dirigeant, « jamais un gouvernement en Europe n’avait fait autant pour ses chemins de fer. Que ce soit dans le domaine social, financier (avec la reprise de la dette), l’organisation du groupe ou la préparation à la concurrence ». C’est pourquoi, un an après sa prise de fonction, il se dit très enthousiaste et optimiste sur l’avenir du rail en France.

Quant aux lignes de dessertes fines du territoire, les UIC 7 à 9, les moins parcourues, elles peuvent faire l’objet d’un transfert de gestion, à la demande des exécutifs régionaux, comme le prévoit l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).

C’est le cas de la Région Grand Est qui souhaite prendre la main sur la ligne Nancy – Contrexéville et sur un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges) formant la liaison Bruche – Piémont des Vosges, des liaisons fermées ou limitées en raison de leur vétusté.

L’équilibre financier attendu en 2024

Lorsqu’il est arrivé aux commandes du réseau français, le groupe SNCF venait de se transformer en un groupe public intégré, avec la constitution de SA : SNCF (société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs.

Passer d’un statut d’Epic à un statut de S.A. a donné au conseil d’administration de Réseau une responsabilité civile et pénale sur ses actes de gestion. « Plus question de laisser filer la dette », prévient Luc Lallemand, qui a comme priorité, de parvenir à un cash-flow à zéro en 2024. « Un sacré défi, sachant que l’on vient d’une situation structurellement déficitaire de deux milliards d’euros », commente-t-il.

Sa feuille de route lui confie aussi la mission de réaliser l’intégration de SNCF Réseau dans le groupe SNCF et d’améliorer sa performance et la qualité de service au client. « C’est-à-dire d’avoir le moins d’incidents techniques possible. Et lorsqu’il y en a, de minimiser le temps nécessaire pour remettre le réseau en état de fonctionner. » Ce qui n’est pas qu’une question d’argent. « Il faut du temps pour intervenir. Or sur certaines lignes très parcourues, nos équipes ne disposent parfois que de trois heures utiles pour faire la maintenance du réseau, voire l’améliorer. »

Un plan de relance de 4,1 milliards d’euros pour le rail

Quinze jours après son arrivée aux manettes, le premier confinement a été instauré. « La crise Covid a eu des conséquences sur le plan humain, opérationnel et financier », résume Luc Lallemand, avant de remercier les salariés du groupe qui ont assuré le service. « Il y a eu une mobilisation phénoménale dans le groupe pour parvenir à continuer à assurer nos missions malgré la crise. Et même pour réussir à lancer des opérations comme les TGV sanitaires. Notre moteur a été la solidarité avec tous les Français. »

Grâce à l’engagement des équipes, les trains ont pu continuer à circuler et les chantiers comme Eole, Charles-de-Gaulle Express, mais aussi ceux liés à la maintenance, se sont poursuivis. SNCF Réseau a dû s’adapter à des niveaux de charge changeants. « Nous avons enregistré une très forte baisse des circulations durant le confinement, puis la fréquentation est remontée durant l’été. En septembre le niveau habituel n’était pas au rendez-vous, en raison de l’absence de la clientèle business. En octobre, avec le reconfinement, le trafic est retombé », rappelle Luc Lallemand. D’où un important manque à gagner lié aux péages, qui expose le gestionnaire des infrastructures à des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros.

Le PDG de Réseau se réjouit d’avoir pu bénéficier d’une enveloppe de 4,1 milliards sur les 100 milliards prévus dans le plan de relance de l’Etat. « Cela a permis à la société de poursuivre 100 % de son action de régénération du réseau. » Tous les pays d’Europe n’ont pas bénéficié d’un plan de relance aussi ambitieux, estime le gestionnaire. Si le gouvernement n’avait pas versé une première tranche de 1,6 milliard, avant de lui en attribuer une autre courant 2021 pour couvrir les besoins de l’année, il aurait été contraint de compenser le manque à gagner lié à la Covid avec l’enveloppe de régénération de 2,8 milliards, affirme-t-il.

Après le premier confinement, SNCF Réseau avait estimé le coût de la crise à 1,7 milliard d’euros jusqu’en juin 2022. Dont 50 % en coûts directs : pertes de productivité sur les chantiers, achat de gel hydroalcoolique et de masques et pertes liées aux péages. L’autre moitié s’expliquant par le fonds de concours, issus de dividendes versés par SNCF Voyages.

“ ON CRAINT QUE LES PERTES ADDITIONNELLES S’ÉLÈVENT JUSQU’À 800 MILLIONS D’EUROS, VOIRE DAVANTAGE, EN FONCTION DE LA SORTIE DE CRISE PANDÉMIQUE ET DE LA VITESSE À LAQUELLE LA CLIENTÈLE REVIENDRA 

Sans la crise, Réseau aurait dû recevoir près de 900 millions de ce fonds, versés par SNCF Voyages. Mais il risque de ne plus être alimenté, pendant au moins trois ans, en raison des difficultés de la filiale voyageurs. Et comme le deuxième confinement, survenu fin octobre, a entraîné une nouvelle chute du trafic, à un niveau plus élevé que Réseau ne l’avait envisagé, des pertes supplémentaires vont s’ajouter. « On craint que les pertes additionnelles s’élèvent jusqu’à 800 millions d’euros, voire davantage, en fonction de la date de la sortie de crise pandémique et de la vitesse à laquelle la clientèle reviendra. »

Des gains de productivité portés à 1,5  milliard d’ici 2026

Luc Lallemand s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Patrick Jeantet, tout en voulant aller encore plus loin dans l’industrialisation. « On partait d’un bon point de départ. L’équipe précédente avait lancé l’industrialisation du processus de régénération du réseau classique. » Il poursuit ce travail avec un plan stratégique baptisé : « Tous SNCF, ambition réseau », axé autour de quatre grandes orientations. La première est axée autour du client. Le PDG de Réseau souhaite proposer une offre de services élargie et un accompagnement renforcé des clients du réseau ferré, afin de leur faire préférer le train. « Cela passe par une relation de qualité avec les clients sur tous les territoires. »

La signature de contrats de performance ferroviaire avec la région Sud et la région Normandie va dans ce sens et représente le deuxième axe du plan pour proposer des sillons garantis. « L’objectif est d’atteindre dès 2023, 90 % de projets cofinancés qui respectent le triptyque coût-délai-qualité. Il s’agit de garantir les sillons et une exploitation robuste, permettant d’assurer 90 % de ponctualité au départ. Ce qui représente une baisse de 35 % des événements sécurité remarquable en exploitation dont la cause est due à SNCF Réseau. »

La troisième orientation stratégique concerne la sécurité au travail et la quatrième vise à revenir à l’équilibre financier dès 2024.

L’Autorité de régulation des Transports (ART) a déjà fait part, dans le passé, de son scepticisme sur la réalisation de cet objectif, en l’absence d’un contrat de performance clair signé avec l’Etat et définissant sa trajectoire économique. Luc Lallemand admet que ce ne sera pas facile mais assure « être sur la trajectoire pour y parvenir, sauf chute de péage supplémentaire d’ici la fin de la crise Covid. »

“ AVEC LA REPRISE DE DETTE DE 35 MILLIARDS D’EUROS, LES COMPTES DE L’ENTREPRISE SERONT SOULAGÉS D’UN MILLIARD D’EUROS D’INTÉRÊT 

Le patron de Réseau précise qu’un effort substantiel de productivité et de réduction des coûts est réalisé en interne. De plus, avec la reprise de dette de 35 milliards d’euros, les comptes de l’entreprise seront soulagés d’un milliard d’euros d’intérêt. D’où un bilan en ligne avec ce qui se fait dans d’autres sociétés comparables. « Il restera un passif de 25 milliards, soit une structure financière au passif acceptable », précise-t-il.

Luc Lallemand assure que des gains de productivité complémentaires pourraient être réalisés en s’attaquant à l’outil industriel. Notamment en réduisant le nombre de postes d’aiguillage de 2 200 à une vingtaine. Il en a fait l’expérience en Belgique, où il est parvenu à réduire le nombre de postes d’aiguillage du réseau ferroviaire de 365 à 11. « On a supprimé 97 % des postes d’aiguillage, afin de réaliser des gains de productivité. »

Reste toutefois une difficulté majeure depuis que l’Insee a décidé en 2017, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique et d’intégrer sa dette aux comptes de l’Etat. Il est en effet nécessaire  d’avoir une autorisation de dépenses d’investissement, au sens d’Eurostat, pour moderniser l’outil de production. Il s’agit d’une dette « vertueuse » qui se rembourse d’elle-même en quelques années par création de valeur actualisée nette, explique Luc Lallemand. En clair, il est nécessaire d’avoir l’accord de l’Etat pour augmenter la dette. La probabilité de convaincre Bercy, toujours sourcilleux quand il s’agit d’alourdir la dette publique, paraît plus que mince alors que dépenser de l’argent pour réduire le nombre d’aiguillages pourrait être à l’origine d’économies quatre ou cinq ans plus tard.

En rationalisant le réseau, il serait même possible de doubler les gains de productivité, actuellement estimés à 1,6 milliard d’euros d’ici à 2026. Luc Lallemand compte bien l’expliquer…

Les effets positifs de la concurrence

La Covid a aussi remis en question les projets de conquête des opérateurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Difficile en effet d’entrer sur de nouveaux marchés ferroviaires qui nécessitent des investissements de l’ordre de dizaines de millions d’euros pour acheter des rames de TGV ou de TER quand la clientèle déserte les trains.

La compétition ne concerne pas que l’exploitation des trains. SNCF Réseau sera aussi mis en concurrence lorsqu’une région décidera de prendre une ligne pour en confier la gestion à un opérateur. Dans la région Grand Est, SNCF Réseau a choisi de ne pas répondre. Car, indique son PDG, « la stratégie de SNCF Réseau sur ce type de dossier est encore en cours d’élaboration».

Pour Luc Lallemand, être en situation de monopole n’est pas forcément un avantage. « Quand on n’a pas de concurrent, il est de bon ton de considérer qu’on en profite et que c’est sous optimal économiquement. Or, SNCF réseau accumule des pertes récurrentes depuis des années… ». La mise en concurrence permet aussi de se comparer et de vérifier si les efforts réalisés pour abaisser ses coûts et augmenter la qualité sont suffisants. Luc Lallemand aborde donc l’ouverture à la concurrence sans crainte, persuadé que Réseau sera gagnant dans tous les cas. « Si on remporte un marché, ou si on le conserve, nous saurons que nous sommes bons. Avec un monopole on ne le sait jamais. Si on perd, cela nous servira pour nous améliorer et pour gagner de prochains appels d’offres. »

ERTMS : pas une priorité en France

Considéré comme un spécialiste de l’ERTMS, suite à son passage chez Infrabel, Luc Lallemand justifie la frilosité de la SNCF à son égard. « Je m’y suis intéressé en 2004 parce que le réseau belge était le seul réseau d’Europe où il n’y avait pas de système de freinage d’urgence automatique en cas de dépassement d’un feu rouge. Quand je suis parti, 25 % du réseau était équipé en ERTMS. Soit la plus grande proportion en Europe. »

Dans l’hexagone, la situation est radicalement différente. Le réseau ferroviaire dispose déjà d’un excellent système de freinage d’urgence, KVB et en tant que coinventeur du TGV avec le Japon, la France a conçu un système de signalisation embarquée, le TVM 430, qui a des fonctionnalités au moins égales à l’ERTMS, mais qui présente l’inconvénient de ne pas répondre aux directives d’interopérabilité de l’Agence européenne du rail. « A l’horizon de 40 à 50 ans, tous les réseaux en Europe seront équipés de ERTMS, mais aujourd’hui sur le réseau français, les priorités sont ailleurs », conclut Luc Lallemand.

Le bon dimensionnement du réseau

Interrogé sur le bon dimensionnement du réseau français ferroviaire, Luc Lallemand répond qu’il dépendra des moyens que l’Etat, les Régions et l’Union européenne lui alloueront. Que ce sera un réseau sans faiblesse structurelle ou historique. Dont l’âge moyen des composants sera au minimum dans la moyenne européenne. Mais aussi un réseau qui n’aura pas de dette cachée.

Selon lui, il faudrait accélérer la modernisation des ateliers de Réseau. « En comparant un technicentre de SNCF Voyageurs avec un atelier de Réseau, on est dans deux siècles différents. »

Concluant son intervention, le chef d’entreprise a de nouveau voulu inviter les Français à avoir un regard plus positif et optimiste sur leur pays, sur son avenir et celui du rail. « Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France. La population n’a jamais été aussi demandeuse d’écologie, de vert et donc de chemin de fer. On a une époque en or devant nous. Nous avons tous les outils en main et une ingénierie parmi les meilleures au monde. Donc on y va et on se dit qu’on est vraiment bon. »

Valérie Chrzavzez

Ewa

Les trains neufs devront proposer huit places au minimum pour les vélos

Velo Train

Les trains neufs ou rénovés devront comprendre au moins huit emplacements pour les vélos, selon un décret paru le 20 janvier au Journal officiel. Prévue dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, la mesure s’applique en particulier aux trains d’équilibre du territoire (TET, ou Intercités) conventionnés par l’Etat, aux services librement organisés comme les TGV, et aux trains régionaux, a précisé le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.

La jauge a été définie à l’issue « d’une vaste consultation de l’ensemble des parties prenantes, compte tenu des fortes attentes exprimées par les usagers cyclistes et de l’attention portée à ce sujet par les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices de transport », explique-t-il. Le décret prévoit toutefois des exceptions pour certains trains régionaux, Transilien en Ile-de-France et TER dans les autres régions, qui pourront ne proposer que quatre emplacements « afin de prendre en compte les situations locales ». Il ne s’applique que pour les matériels roulants dont l’achat ou la rénovation sera engagé à partir de mars 2021.

« Cette obligation ne s’appliquera donc pas aux matériels déjà en circulation ou pour lesquels les programmes d’achat ou de rénovation sont déjà lancés », et en particulier le TGV M -plus couramment appelé « TGV du futur »- que la SNCF doit lancer en 2024, souligne le ministère.

C’est précisément ce point qui inquiète le collectif des associations de défense du vélo. Même si le collectif salue l’avancée permise par le décret, il regrette toutefois une application « qui peut être lointaine ». Si la loi est strictement appliquée, « cela reporterait à la fin de la décennie et au-delà de 2030 la création de places vélos dans de nouvelles commandes de TGV et de nombreuses rames TER », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Il est donc indispensable que les exploitants et au premier chef, la SNCF s’engagent à créer dès maintenant des places vélos dans tous les trains en service et en cours de commande ou de rénovation, y compris les TGV ».

Première réponse de la SNCF : « Alors que les TGV actuellement en circulation proposent de zéro à quatre emplacements vélo selon les modèles, TGV M (…) proposera au minimum six emplacements vélo à bord de chaque rame, la possibilité de monter jusqu’à huit emplacements étant à l’étude », a affirmé à l’AFP un porte-parole de la SNCF.

Ewa

« La loi Mobilités a tout fait pour entraver la concurrence en Ile-de-France », Frédéric Baverez, directeur exécutif de Keolis France et PDG d’Effia

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Transition énergétique, gratuité, MaaS, desserte des territoires peu denses, Grand Paris Express, crise du recrutement, ouverture à la concurrence en Île-de-France… Le directeur exécutif de Keolis France et PDG d’Effia, s’est exprimé sans fard devant les membres du Club VRT, le 16 janvier.

frederic bavarezFrédéric Baverez était le premier invité 2020 du Club Ville, Rail & Transports (VRT). Devant les membres réunis mi-janvier dans les salons de la mairie du 7e arrondissement parisien, le directeur exécutif de Keolis France, et PDG d’Effia, a brossé un tableau détaillé du transport conventionné de voyageurs – urbain, interurbain, régional – ainsi que du marché du stationnement (une activité de plus de 3,1 milliards d’euros). Pour exposer ensuite les défis auxquels doit s’atteler le secteur à l’amorce de la nouvelle décennie : l’ouverture à la concurrence des transports franciliens ainsi que des lignes TER, la transition énergétique et numérique, la desserte des zones peu denses, et la crise du recrutement, notamment pour les métiers de la conduite. La réponse à ces défis majeurs dessinera le nouveau paysage du transport public de voyageurs d’ici à 2030.

Les constats tout d’abord. En fin observateur du secteur, Frédéric Baverez qui a rejoint Keolis en 2005 après neuf années au groupe Suez, relève que les périmètres de transport urbain n’ont cessé de s’étendre vers des territoires à faible densité de population. « Entre 2007 et 2017, la surface des périmètres de transport urbain a été multipliée par 2,4 et la population desservie n’a augmenté que de 35 % », rappelle-t-il. Conséquence inévitable de cet étalement urbain, « la problématique grandissante de dessertes de ces bassins d’habitat peu denses, dont la crise des Gilets jaunes est l’illustration », poursuit Frédéric Baverez. Face au besoin d’une gouvernance des transports bien définie afin de couvrir ces zones blanches de mobilité, « les acquis de la mandature municipale qui s‘achève, complétés par la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 (LOM dont on attend les décrets d’applications, ndlr), ont permis de clarifier les compétences des autorités organisatrices », se félicite le directeur exécutif France de Keolis.

En 2017, une autre loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a confié l’organisation des transports interurbains aux régions, en lieu et place des départements. Ce changement occasionne la réorganisation progressive des réseaux de transport interurbain dans chaque région. Derniers en date, les réseaux scolaires et interurbains de l’Ain et du Cantal passés dans le giron de la région Auvergne-Rhône-Alpes le 1er janvier 2020. « Les régions ont repris très vite et efficacement l’organisation des transports interurbains, c’est le bon échelon et le bon modèle pour une cohérence territoriale hors transports urbains », estime Frédéric Baverez.

 

Trois mousquetaires

Fervent défenseur du modèle français de la délégation de service public (DSP), « efficace pour la concurrence », il juge le jeu concurrentiel positif sur les marchés urbains de province : « 30 % des contrats arrivés à échéance ont connu un changement d’opérateur en province, cela stimule la créativité, la qualité de service, l’optimisation des coûts, la fréquentation, les recettes et in fine, les finances des collectivités locales », observe-t-il.

Rappelons toutefois que le nombre d’opérateurs présents sur le marché des transports publics français est consolidé autour de trois « mousquetaires », Transdev, RATP Dev et Keolis, qui s’arrogent 70 % du marché.

Le rachat en septembre 2019 par Keolis du suisse CarPostal France n’a fait que renforcer cette situation. Aujourd’hui, l’Espagnol Vectalia s’accroche pour ne pas être lâché par le peloton, mais avec l’ouverture à la concurrence qui va s’élargir, tout particulièrement en Île-de-France, de nouveaux groupes internationaux (le hongkongais MTR, l’allemand Arriva ou les britanniques First, Stagecoach) finiront par faire leur apparition sur le marché français.

« La DSP est devenue la norme dans l’urbain, elle est moins généralisée dans l’interurbain, même si les régions commencent à s’y intéresser », décrit Frédéric Baverez.

 

« La gratuité, je la crains »

Fustigeant la gratuité des transports publics, un thème tentant pour les candidats aux municipales des 15 et 22 mars prochains, le patron France de Keolis qui préside la commission Économie et mobilité de l’Union des transports publics (UTP), rappelle l’étranglement financier du secteur alors que la fréquentation des transports publics est en pleine croissance. En cause, la faible performance du taux de couverture des dépenses d’exploitation par les recettes : « Il a perdu vingt points en 25 ans pour se situer à 32 % en 2017, avec une légère reprise depuis 2012. En France, la part payée par le voyageur est loin derrière la moyenne européenne qui est de 50 % », calcule-t-il.

Selon lui, « la gratuité constitue la principale menace qui pèse actuellement sur le transport public urbain, c’est une manifestation de démagogie qui nie la valeur de l’argent public ». Devant un public convaincu, Frédéric Baverez ne mâche pas ses mots et reprend la position des élus du Groupement des autorités organisatrices de transport (Gart) qui craignent le tarissement des recettes issues de la vente de billets et d’abonnements si un nombre conséquent de villes venaient à céder aux sirènes de la gratuité.

Et d’enfoncer le clou, en s’appuyant cette fois sur la position de la Fédération des usagers du transport (Fnaut) : « La gratuité ne correspond pas à une demande des usagers qui souhaitent en priorité des meilleurs services et non des transports gratuits. A offre constante, la gratuité ne conduit pas à une baisse de l’utilisation de la voiture mais plutôt à celle du vélo et de la marche. De plus, elle menace la principale source de financement du transport public : le versement transport (VT, sanctuarisé dans la loi Mobilités sous la forme du versement mobilité, ndlr). Le VT n’a pas que des supporters chez les employeurs et, si l’argent du VT (8,5 milliards d’euros par an, dont 50 % pour les réseaux de province ndlr) était ainsi dévoyé pour des raisons de populisme électoral, le patronat risquerait d’en demander la suppression ou la baisse », estime-t-il.

Interrogé sur le cas de Dunkerque qui a basculé vers la gratuité de son réseau de bus en septembre 2018 avec une poussée de fréquentation spectaculaire (+ 60 % en semaine, + 120 % le week-end), Frédéric Baverez croit savoir que cette hausse vient principalement de la marche et du vélo, pas de la voiture, et a coûté 15 millions d’euros supplémentaires au budget transport de l’agglomération nordiste. « On compte 29 réseaux de transport gratuits aujourd’hui, on risque d’en avoir 20 de plus après les élections municipales… », craint-il.

« Une loi sans programmation financière »

Autre constat, autre déception : le recul des appels à projets de l’État pour les transports, à l’image des deux grands appels à projets de transports collectifs en site propre (TCSP) de 2008 et 2010. Renouvelé en 2018, « l’argent investi par l’Etat dans les transports urbains diminue alors qu’il a augmenté la TVA de 5.5 % à 10.0 %. De même, l’Etat vient de raboter une partie de la compensation du VT », soutient F. Baverez. Pour rappel, depuis 2018, le VT s’impose aux entreprises de plus de 11 salariés, contre 9 auparavant, et l’Etat s’était engagé à compenser la différence. Dans la loi de Finances pour 2020, la compensation atteint une trentaine de millions d’euros, il en faudrait 91 selon le Gart. « Un manque à gagner de 32 millions d’euros », calcule Frédéric Baverez.

« Avec la LOM, les régions deviennent des autorités organisatrices de la mobilité (en binôme avec les intercommunalités, ndlr) pour un meilleur pilotage des transports dans les territoires, mais sans ressources propres pour exercer cette compétence. Elles doivent compter sur une fraction de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ndlr). La LOM est malheureusement une loi sans programmation financière », regrette le dirigeant.

 

Concurrence en Île-de-France

« Nous sommes favorables à l’ouverture à la concurrence, qui constitue une première réponse au défi du financement des transports publics car elle permet aux autorités organisatrices d’avoir de meilleures offres à meilleur prix. L’ouverture à la concurrence, que les différentes majorités ont toujours cherché à différer malgré le règlement OSP, va enfin commencer en Ile-de-France avec Optile, le réseau de bus de la grande couronne, et nous nous en félicitons ».

Et pan sur la RATP qui a gonflé le « sac à dos social » de ses agents, défendant l’idée que face aux conditions difficiles d’exercice du métier de conducteurs de bus à Paris (congestion, vitesse commerciale lente, stress, insécurité) il fallait un cadre social de haut niveau. Ce qui rend les conditions de transfert de personnel particulièrement coûteux si un concurrent vient à remporter des appels d’offres dans la région capitale.

En cas de perte d’une ligne ou d’un lot de lignes de bus parisiens au profit d’une autre entreprise, les salariés de la RATP devront obligatoirement être transférés au nouvel exploitant aux conditions sociales de la Régie. « Si un conducteur de la RATP refuse son transfert, ce sera au nouvel opérateur de porter le coût de son licenciement, ce qui est surréaliste. Ile-de-France Mobilités (IDFM) couvrira peut-être ce risque, afin d’éviter que les concurrents soient dissuadés de répondre aux appels d’offres face à ce risque exorbitant », analyse Frédéric Baverez. Avant le grand mercato des transports franciliens (voir le calendrier de l’ouverture ci-contre), le représentant de Keolis fait la louange de l’autorité organisatrice : « IDFM joue pleinement son rôle d’autorité organisatrice vis-à-vis des opérateurs. Pour le tramway T9, elle a même repris la maîtrise d’ouvrage. »

Toutes ces contraintes ne s’appliquent pas aux lignes de bus du réseau Optile, en grande couronne francilienne, pour lesquelles les ­premiers appels d’offres ont déjà été lancés. Keolis a déjà remporté le contrat d’exploitation du tramway T9 (Porte-de-Choisy – Orly-ville) dont la mise en service est attendue fin 2020. Et pris le volant le 1er février d’un bus électrique dans le 15e arrondissement parisien (Traverse Brancion-Commerce) dans le cadre d’un groupement avec les Autocars Dominique et sa filiale BE Green.

« En France, sur les 22 milliards d’euros de volume d’affaires annuel du transport conventionné, dont la moitié en Ile-de-France, seulement 6,5 milliards sont ouverts à la concurrence (moins de 30 %) », calcule Frédéric Baverez en rappelant la position de l’Autorité de régulation des transports et de son président Bernard Roman, « qui rappelle régulièrement les bienfaits de la concurrence sur la qualité de service et les coûts du transport public. Or la France a tout fait depuis 2009 pour différer l’ouverture à la concurrence, notamment en Ile-de-France, quitte à contourner le règlement européen OSP ». Dans le ferroviaire, le patron de Keolis France a rappelé comment les rôles seraient partagés avec la maison mère (la SNCF détient 70 % du capital de Keolis). Jamais, a-t-il assuré, Keolis ne se présentera contre la SNCF lors d’un appel d’offres TER. Et en binôme avec la SNCF ? « Franck Lacroix (directeur général TER, ndlr) l’a dit clairement : la SNCF a vocation à répondre à tous les appels offres TER… », a-t-il rappelé. La réponse sera donc au cas par cas.

 

Défenseur du diesel

Citant l’ancien secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon, « Il n’y pas de plan B car il n’y a pas de planète B », Frédéric Baverez rappelle le rôle des transports publics, à l’origine de 2 % des gaz à effet de serre (GES), comme éléments de la solution à la crise climatique. « A cause du Dieselgate, on a tiré trop vite à boulets rouges contre le diesel en ville en Europe, alors qu’il peut présenter certains avantages pour des véhicules lourds ». Lesquels ? « Un assez bon bilan coût-environnement pour les bus équipés maintenant de moteurs Euro 6 : quand on remplace un bus de 15 ans, on passe de la norme Euro 3 à Euro 6 avec une baisse des principaux polluants d’un facteur 10 », argumente Frédéric Baverez. Qui rappelle que le coût total de possession d’un bus au gaz naturel pour véhicules (GNV), qui comprend l’acquisition, le prix du carburant et de la maintenance, est sensiblement similaire à celui d’un bus diesel (mais pas plus cher) avec une forte réduction des particules et un bénéfice environnemental encore plus fort si le gaz vient de la méthanisation de déchets.

Quant à la filière de l’électricité, elle permet de faire circuler des bus silencieux, confortables et n’émettant aucun polluant. Toutefois, « la technologie n’est pas mature, elle est mouvante. La performance des batteries reste un sujet en termes de poids, de volume, d’autonomie, de durée de vie, de prix et de recyclage. Il faut aussi voir comment est produite l’électricité : un bus diesel en Pologne pollue moins qu’un bus électrique qui fonctionne avec de l’électricité produite dans des centrales au lignite », juge-t-il.

« L’hydrogène, qui présente tous les avantages de l’électricité sans l’inconvénient des grosses batteries, permettra à terme de résoudre toutes ces équations. Cependant cette filière est encore extrêmement coûteuse (un bus à hydrogène coûte globalement quatre fois plus qu’un diesel, et deux fois et demi plus qu’un bus électrique). De plus, le stockage de l’hydrogène, au-delà de 5 tonnes, relève de la réglementation Seveso et nécessite une autorisation », rappelle-t-il. La filière de l’hydrogène a besoin de subventions, celles de l’Ademe, des régions et de l’Europe et le Green Deal récemment annoncé par la nouvelle Commission européenne est porteur d’espoir.

 

« Tapis rouge pour les Gafa »

Troisième défi au tournant de la décennie, le numérique et les perspectives qu’il ouvre pour les transports, mais aussi ses risques. La LOM facilite le développement les plates-formes multimodales regroupant l’ensemble des offres de mobilité afin que les voyageurs aient la possibilité de réserver plusieurs transports via une seule et même application. C’est le concept de « MaaS », pour « Mobility as a service », inscrit dans l’article 11 de la loi et qui oblige les transporteurs à ouvrir leurs services de ventes aux autres opérateurs numériques multimodaux qui le souhaiteraient. Cette obligation concerne autant les opérateurs subventionnés par l’État (RATP, Keolis, Transdev par exemple), que les start-up de la mobilité. Tous s’inquiètent du risque de monopole ou de quasi-monopole des plates-formes multimodales, comme c’est le souvent le cas dans le numérique (Google comme moteur de recherche, AirBnb comme service d’hébergement en ligne ou encore BlaBlaCar en tant que service de covoiturage).

Pire, ce nouveau service pourrait être pris d’assaut par les géants de la Tech. « Il constitue un véritable avantage pour les Gafa ! On leur déroule le tapis rouge ». Tout se jouera maintenant dans les décrets d’application l’idée étant de faire payer les plateformes au-delà d’un certain seuil de données.

Le risque ? Que ces géants finissent par imposer leurs propres lois aux opérateurs traditionnels et captent in fine une partie importante des marges. Un autre risque découlerait directement de cette désintermédiation, celui de la fuite des données personnelles des clients vers ces géants de la tech. Un risque de monopole d’autant plus fort que le modèle économique du transport public est caractérisé par de faibles marges, et nécessite donc pour la plate-forme un nombre conséquent de transactions. Lors du débat parlementaire, le Sénat a obtenu que les autorités de transport soient décisionnaires pour demander aux prestataires privés l’accès à leurs services, et non l’inverse comme c’était le cas au début de l’examen de la LOM.

Tout n’est pas noir. Le numérique ouvre les champs des possibles pour la desserte des zones peu denses, périurbaines et rurales, avec des solutions flexibles et moins coûteuses que des lignes régulières. « Le digital permet de mettre en place des solutions de mobilité flexibles pour un coût acceptable pour les collectivités », souligne Frédéric Baverez.

 

Coup d’accélérateur sur le transport sanitaire

Sur le volet stationnement et tout particulièrement les parking-relais (P&R), le patron d’Effia, filiale stationnement de Keolis est tout aussi offensif : « La France est en retard alors qu’il s’agit d’un levier pour développer la mobilité partagée. En Ile-de-France, il n’y a que 18 000 places de P+R labellisées et IDFM a lancé la construction de 9 000 places supplémentaires pour trois millions de voitures en Ile-de-France. A Lyon, il n’existe que 7 000 places de P&R, qui sont saturées. Et dans le projet du GPE (le métro automatique Grand Paris Express, ndlr), la quasi-totalité des gares sont conçues sans parkings-relais, ce qui empêche l’intermodalité ! Il faut faire des hubs multimodaux (voitures, motos, vélos, shop & drive) ».

Frédéric Baverez s’exprimait trois jours après la publication du rapport corrosif du Défenseur des droits sur le bilan de la réforme du stationnement sur voirie entrée en vigueur le 1er janvier 2018 : « Jacques Toubon ne remet pas en cause l’objectif de la loi d’un meilleur taux de paiement et de tarifs adaptés aux situations locales mais, à juste titre, il dénonce la complexité du dispositif mis en place pour le recouvrement des FPS (qui ont remplacé les amendes) et les difficultés pour certains usagers à faire valoir leurs droits », résume le patron d’Effia.

Celui-ci pointe aussi l’énorme potentiel du marché du transport sanitaire. Keolis a nommé à la fin 2019 Roland de Barbentane, ex-dirigeant de Ouibus (cédé à BlaBlaCar) à la tête de Keolis Santé. « Le transport sanitaire pèse 4,6 milliards d’euros dans le budget de la sécurité sociale, et la moitié de ce coût représente des transports assis sans ambulance ! », observe Frédéric Baverez. Le groupe a racheté les réseaux Integral et Douillard puis Jussieu Secours France ces deux dernières années, confirmant son intérêt pour un secteur appelé à croître fortement à l’avenir et à se concentrer. Keolis Santé veut continuer à grandir par acquisition ou adhésion de nouveaux partenaires.

C’est en revenant aux fondamentaux, les métiers de la conduite, que Frédéric Baverez a choisi de conclure son tour d’horizon enlevé du transport public 2020. « Nous peinons à sortir de la crise du recrutement, les métiers de la conduite sont en tension, surtout pour les lignes scolaires et interurbaines. Dans l’urbain, les difficultés rencontrées pour recruter des conducteurs sont plus ponctuelles. Garantir le transfert des collaborateurs lors d’un changement d’opérateur en interurbain constitue une nécessité opérationnelle. Nous devons faire des efforts pour promouvoir davantage les bénéfices liés à ce métier tels que l’autonomie et la responsabilité ».

« Le débat actuel sur l’emploi des seniors (un rapport a été remis mi-janvier au gouvernement) pourrait nous aider et Keolis a de belles réussites de reconversion d’hommes et de femmes en fin de carrière », espère Frédéric Baverez.

Nathalie Arensonas


Le Grand Paris Express, un montage « baroque »

« La loi devait être compatible avec le règlement OSP (règlement européen sur les obligations de service public qui encadre les conditions de l’ouverture à la concurrence, ndlr). Toutefois, nous devrons composer avec la mise en place d’un montage « baroque », ayant conduit à la séparation – inédite au plan mondial pour un métro automatique – de la gestion de l’infrastructure (confiée à la RATP en gré à gré) et de l’exploitation de futur métro automatique, qui engendrera des surcoûts et soulève de vraies questions sur l’équité de la concurrence », selon Frédéric Baverez.


Calendrier de l’ouverture à la concurrence en Île-de-France

2021 : bus de grande couronne (réseau Optile)

2023 : Transilien

2025 : bus de la RATP et RER E

2033 : RER C et D

2040 : métro, RER A et B.

Ewa

L’UTP se prépare à l’après-LOM

TCL Billetique

Satisfaction pour l’Union des transports publics : l’utilisation des modes collectifs progressent en France, de 10 points, selon son Observatoire de la mobilité 2019 qui se réfère à la première enquête datant de 2014. Autre tendance notée par l’organisation professionnelle patronale, si les transports publics couvrent aujourd’hui 73 % de la population française, soit 49 millions d’habitants, les différentes législations qui se sont succédés, notamment les lois Maptam (2014), NOTRe (2015) et LOM (votée le 19 novembre dernier) ont conduit à élargir les territoires desservis par les transports publics. « L’extension des périmètres à desservir à fait un bond entre 2016 et 2017 », souligne Thierry Mallet, le président de l’UTP. « Parmi les records, Cherbourg, qui a fusionné avec 8 autres communautés de communes, est ainsi passé de 6 à 132 communes à desservir ! ».

Malgré ces extensions, la population bénéficiant d’un service de transport collectif n’a augmenté elle que de 7 %. Résultat, « les extensions de réseaux pour couvrir de nouveaux périmètres peuvent conduire à délivrer un service de moindre qualité car dilué dans des zones de desserte élargies », indique l’UTP, en estimant que l’équilibre économique peut être ainsi fragilisée. Un argument, selon elle, pour ne pas aller vers la gratuité des transports, alors que le secteur a d’immenses besoins de financement pour améliorer le service. Or, avec les municipales en mars prochain, le thème de la gratuité devrait redoubler de vigueur.

 

Un des rares pays à ouvrir la billettique à la terre entière!

L’équilibre pourrait aussi être bousculé dans un avenir proche dans la distribution des billets. « La LOM va permettre aux GAFA de vendre un accès à la mobilité. Or l’intérêt des GAFA est avant tout d’élargir leurs bases de clients et d’engranger de la valeur qui ne bénéficiera pas aux transports publics », prévient Marie-Claude Dupuis, la directrice Stratégie, Innovation, Développement du groupe RATP. « Nous allons ainsi être l’un des rares pays dans le monde à ouvrir la billettique du transport public à la terre entière ! Ce sera possible à partir de juillet 2021 », ajoute-t-elle.

Deux types de plateformes sont envisagées par la loi : d’une part des plateformes de mise en relation, d’autre part des plateformes permettant d’offrir des packages de mobilité dans le cadre d’un contrat avec les AOT, explique la responsable de la RATP. « La LOM a recours à des principes qui nous vont bien, tels que transparence, neutralité, non-discrimination… Maintenant, il faut les préciser dans les décrets. L’UTP sera très vigilante sur ces décrets à venir. Il ne s’agit pas que de vendre des billets. Il faut aussi s’assurer de la qualité de service », explique-t-elle.

La Commission européenne travaille aussi sur la question de la responsabilité des plateformes numériques en matière de droits des voyageurs pour éviter par exemple qu’elles ne vendent un trajet multimodal qui ne serait pas réalisable. Qui serait alors responsable ?

« Il ne faut pas que l’intérêt général et l’intérêt des voyageurs soient oubliés », résume l’UTP qui demande « un juste partage des responsabilités et de la valeur ». Un sujet complexe. Il ne reste plus qu’un an et demi pour s’y préparer.

Marie-Hélène Poingt

Ewa

La loi Mobilités définitivement adoptée au Parlement

Vélo Rennes

« Enfin ! » Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’Etat aux Transports n’a pas caché son soulagement le 19 novembre lorsque les députés ont voté la loi d’orientation des mobilités (LOM). Il faut dire qu’avec la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, instigatrice de la LOM, il a porté le texte à bout de bras. Un an après avoir été présenté en conseil des ministres – la révolte des Gilets jaunes couvait alors – et après huit mois de débats chaotiques au Parlement, le texte qui entend améliorer les déplacements des Français et décarboner les transports, a été approuvé par un vote ultime à l’Assemblée. Par 116 voix (49 contre et 9 abstentions) avec l’appui des députés LRM-MoDem et des élus UDI-Agir, les autres groupes votant essentiellement contre, avec quelques abstentions.

Il devrait être promulgué fin 2019, ou début 2020 si le Conseil constitutionnel est saisi pour avis.

Que faut-il retenir de cette nouvelle loi d’orientation qui remplace celle sur les transports intérieures, la Loti de 1982 ? « Une action au plus fin des territoires, l’investissement dans les transports du quotidien, la décarbonation des transports, un forfait mobilité, l’ouverture des données pour favoriser les nouvelles solutions de mobilité, et la régulation des plateformes », a résumé Hervé Brulé, de la Direction générale des infrastructures et de la mer, venu présenter la LOM le lendemain du vote, devant un parterre d’élus des communes rurales et de taille moyenne réunis au Congrès des maires, à Paris.

Des décideurs plus proches des territoires

Elisabeth Borne l’a dit et redit, la LOM entend rayer les zones blanches de mobilité pour les Français « assignés à résidence » faute de moyen de transport efficace autre que la voiture particulière dans les zones peu denses ou rurales. « C’est une réponse au sentiment d’abandon dans certains territoires », a repris Jean-Baptiste Djebbari, au Congrès des maires.

Concrètement, d’ici à la fin 2020, toutes les communes, communautés de communes ou syndicat mixte, quelle que soit leur taille, pourront se saisir de la compétence transport et devenir des autorités organisatrices de mobilité (AOM). A défaut, la compétence sera exercée par la Région. Une maille moins fine…

Sur le papier, la mesure est louable car qui mieux qu’un maire ou un élu intercommunal pour comprendre les besoins de son territoire et imaginer des solutions de mobilité adaptées ? Reste le problème des moyens financiers pour exercer cette nouvelle compétence. La loi ne les autorise pas à lever le versement mobilité (ex-versement transport), qui de toutes les façons ne rapporterait pas grand-chose car peu d’entreprises sont implantées dans les villages. Les Républicains (LR) qui militaient pour un versement mobilité additionnel de 0,3% et pour qui, « le financement continue à faire défaut », ont voté contre. La loi de Finances 2020 prévoit l’affectation d’une partie de la TVA à ces nouvelles autorités organisatrices.

Priorité à l’entretien des réseaux existants

Une enveloppe de 13,4 milliards d’euros est affectée pour la période 2018-2022 au développement des infrastructures, essentiellement pour les déplacements du quotidien. Priorité est donnée à l’entretien des réseaux existants, routiers et ferroviaires.

Quant au 80km/h sur les routes secondaires, l’Assemblée avait voté en juin 2019 en première lecture un assouplissement de la mesure, après l’aval du premier ministre : les patrons de département et les maires pourront donc relever la vitesse à 90 km/h.

Décarbonation des transports et forfait mobilité

Parmi les mesures phares en matière de « verdissement », la fin de la vente d’ici à 2040 des véhicules « à carburants fossiles », c’est-à-dire essence ou diesel, est actée.  Est aussi prévue la mise en place d’un forfait mobilités, qui permet aux employeurs volontaires de verser jusqu’à 400 euros par an à leurs salariés se rendant au travail en covoiturage ou en vélo. Il pourra être versé via « un titre mobilité », comme les tickets-restaurants.

Régulation des plates-formes

La loi instaure un socle d’obligations aux plateformes employant des chauffeurs VTC et des coursiers : droit à la déconnexion, transparence du prix des courses. Des chartes sociales complémentaires pourront être mises en place par les plates-formes elles-mêmes. Les parlementaires socialistes envisagent de saisir le Conseil constitutionnel sur ce volet du texte.

Ouverture des données

Pour favoriser l’information des voyageurs en temps réel et les aider à planifier leurs déplacements, la LOM exige la mise à disposition des données de transports en temps réel à partir de 2021 par les opérateurs publics et privés (gestionnaires de parking, opérateurs de covoiturage, de véhicules en free-floating, de bornes de recharge électriques etc.).

Enfin, le texte prévoit d’autres mesures pour encourager l’usage du vélo (marquage pour lutter contre le vol, notamment) et des voitures électriques. Les trottinettes, et vélos en libre-service seront davantage régulés.

Nathalie Arensonas

Ewa

Le Sénat rejette le projet de LOM

senat lom

Le Sénat a rejeté le 5 novembre en nouvelle lecture le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Sur proposition du rapporteur de la commission de l’Aménagement du territoire Didier Mandelli (LR), les sénateurs ont voté à main levée, avec notamment le soutien des groupes LR, PS et CRCE à majorité communiste, la question préalable, qui entraîne le rejet de la totalité du texte.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a expliqué dans un communiqué avoir constaté que « le projet de loi examiné en nouvelle lecture ne contient aucune disposition pour répondre à la question du financement des alternatives à la voiture individuelle dans les territoires qui en ont le plus besoin. Ainsi, malgré de nombreux apports du Sénat adoptés en première lecture et maintenus dans le projet de loi par les députés, le Sénat n’a pas adopté le texte« . C’est la même raison qui avait abouti à l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d’élaborer un texte de compromis cet été.

Le texte très attendu doit repasser à l’Assemblée nationale le 19 novembre en vue de son adoption définitive.

 

Ewa

Financement de la Loi Mobilités : le Sénat choisit la « mère des batailles »

senat lom

« Inutile de poursuivre les discussions sur le texte de la loi Mobilités [LOM], le combat sur le financement des collectivités doit maintenant être livré en examen de la loi de Finances », résume Didier Mandelli, rapporteur du projet de LOM au Sénat. Le Palais du Luxembourg doit examiner cet interminable projet de loi le 5 novembre prochain en séance, en deuxième lecture. Sans passer par la case débat en commission.

« Nous ne souhaitons pas débattre sur les amendements », résume le sénateur LR de Vendée. Il faut dire que ce serait une perte de temps puisque suite à l’échec de la commission mixte paritaire en juillet dernier – elle avait achoppé sur le volet du financement des intercommunalités qui hérite de la compétence mobilité sans ressources supplémentaires (lire ici) – les sénateurs savent que l’Assemblée nationale aura le dernier mot.

Pour rappel, l’une des dispositions majeures de la loi LOM est de créer des autorités organisatrices de mobilité partout en France, y compris dans les zones rurales afin de tenter de sortir de la dépendance totale à la voiture en mettant en place des transports adaptés aux zones peu denses.

Versement transport minoré et TICPE

Plutôt que rejeter le texte au préalable, « globalement, il nous convient puisqu’il reprend la copie sortie du Sénat », estime le rapporteur, le Sénat va livrer la bataille du financement pendant l’examen du PLF pour 2020, début novembre. « C’est la mère de batailles », indique M.Mandelli.

Pas gagné non plus, d’autant que dans le projet de budget pour 2020, ne figure aucun financement fléché pour les intercommunalités. « Pire, il prive en réalité les collectivités locales d’une partie des ressources puisqu’il prévoit d’amputer de 45 millions d’euros la compensation que l’Etat leur verse depuis le relèvement en 2016 du seuil de salariés [il est passé de 9 à 11] à partir duquel les entreprises sont assujetties au versement mobilité », indique un communiqué du Sénat du 23 octobre.

Lors d’une courte visite début octobre à Nantes aux Rencontres nationales du transport public, le secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a promis aux élus une « TVA dynamique » dont les collectivités pourraient disposer pour assurer cette nouvelle mission. Pas suffisant pour couvrir les coûts de fonctionnement de transport, selon le Groupement des autorités organisatrices de transport (Gart) présidé par l’ancien sénateur des Alpes-Maritimes, Louis Nègre.

Lors de la discussion sur le PLF 2020, les sénateurs vont tenter de réintroduire les mesures qu’ils avaient voté en première lecture de la loi Mobilités : l’attribution d’une part de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE ) aux intercommunalités et un versement mobilité avec un taux minoré à 0,3 % pour les aider à faire face à leur nouvelle compétence mobilité.

Nathalie Arensonas

Sur ce sujet, lire aussi : Du monde, de l’effervescence mais peu d’annonces aux Rencontres nationales du transport public