Décalage dans le projet de la société Railcoop, qui souhaitait lancer à partir de juin 2022 des trains de voyageurs, avec deux allers-retours quotidiens, sur la ligne Bordeaux – Lyon délaissée depuis plusieurs années par la SNCF. « Le conseil d’administration de Railcoop s’est réuni le 5 octobre dernier et a statué sur un report de six mois du lancement de la ligne voyageurs Bordeaux – Lyon. La ligne sera donc lancée pour le service annuel 2023, soit le 11 décembre 2022 », a indiqué la coopérative ferroviaire dans un courriel à ses 10 000 sociétaires.
En cause, l’incapacité de SNCF Réseau de lui fournir des sillons, alors que des discussions sont engagées depuis plus de 18 mois, explique Railcoop. « Sur l’ensemble des demandes de circulation formulées, seules 55 % ont été pourvues par SNCF Réseau, sous réserve toutefois que nous financions l’ouverture de postes (pourtant réputés ouverts au moment de la construction du service avec SNCF Réseau…) », a précisé la compagnie, qui vient d’obtenir sa licence d’opérateur ferroviaire. « Ces sillons sont conditionnés à des ouvertures de postes » car le personnel n’est pas assez nombreux pour occuper les postes d’aiguillage donnant accès aux voies uniques peu fréquentées que veut emprunter Railcoop. SNCF Réseau lui demande d’assumer le coût du recrutement de cheminots supplémentaires, mais « ils ne sont pas en mesure de nous garantir qu’on pourra vraiment circuler », a indiqué à l’AFP, Nicolas Debaisieux, le directeur général de Railcoop.
Pointé du doigt, le gestionnaire des infrastructures a répondu que le processus d’attribution des sillons n’était « pas terminé » mais qu’il « prenait acte » du report de Railcoop. Il explique également que, lorsqu’une demande ne peut aboutir, il s’engage à fournir une « proposition alternative », et que ces échanges sont menés sous le contrôle de l’autorité de régulation.
Au-delà du Bordeaux – Lyon, Railcoop planche sur huit autres liaisons transversales à petite vitesse pour la fin 2022, comme Toulouse – Limoges – Poitiers – Le Mans jusqu’à Caen ou Rennes – Saint-Brieuc, et Thionville – Metz – Nancy – Dijon jusqu’à Grenoble ou Lyon-Saint-Etienne. La coopérative doit faire ses premiers tours de roues à partir du 16 novembre prochain avec des trains de marchandises entre Viviez-Decazeville, Capdenac (Aveyron) et la plateforme multimodale de Saint-Jory près de Toulouse. Ces trains transporteront du chocolat, des fenêtres ou des pièces aéronautiques pour des PME du bassin de Figeac-Decazeville.
Railcoop, a réussi à collecter 3,9 millions d’euros. Des discussions sont en cours avec « des financeurs institutionnels » pour compléter le tour de table. La compagnie a le projet d’acheter du matériel d’occasion et de réaménager neuf TER venus d’Auvergne-Rhône-Alpes.
A l’occasion de la présentation, le 10 avril, du projet de réouverture de la ligne Montluçon – Lyon porté par Railcoop, la région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé vouloir céder des rames, « à un prix très compétitif », à la coopérative afin de l’aider à relancer des liaisons ferroviaires, en particulier la liaison ferrée Lyon – Bordeaux délaissée par la SNCF en 2014.
Né en novembre 2019, Railcoop, le premier opérateur ferroviaire sous statut coopérative en France, entend profiter de l’ouverture à la concurrence ferroviaire pour développer, sur le marché province-province, une offre complémentaire sur les lignes non desservies en direct. Outre l’obtention d’une licence, il lui faudra obtenir un certificat de sécurité unique et se doter de matériel.
« Pour avancer, Railcoop a désormais besoin de rames de train, un investissement naturellement nécessaire, mais extrêmement coûteux. Parce que son projet s’inscrit complètement dans la politique régionale visant à sauver et rénover des petites lignes pour participer au désenclavement des territoires, la région a décidé de l’accompagner », souligne l’Auvergne-Rhône-Alpes dans un communiqué. « Afin d’accompagner l’entreprise dans son projet, la région propose d’intervenir auprès de la SNCF pour céder neuf rames de trains à Railcoop », ont précisé Laurent Wauquiez, président LR de la région, et Martine Guibert, vice-présidente déléguée aux Transports, lors de leur visite à Montluçon (Allier).
Le projet de Railcoop avance à bon train : le premier opérateur ferroviaire sous statut coopérative en France a quasiment atteint son objectif de réunir 1,5 million d’euros dans le but de relancer des liaisons ferroviaires, en particulier la liaison ferrée Lyon – Bordeaux délaissée par la SNCF. Un montant nécessaire pour pouvoir obtenir une licence ferroviaire, même si les comptes doivent encore être validés par le conseil d’administration fin février. Avec la couverture assurantielle de 45 millions par an en cas de sinistre, déjà obtenue, la voie est dégagée.
Railcoop a notamment bénéficié d’une excellente visibilité grâce à la diffusion d’un reportage sur son projet dans l’émission Envoyé spécial, sur France 2 le 14 janvier. Victime d’une trop forte affluence, le site internet de Railcoop, la coopérative qui prépare un Bordeaux – Lyon direct pour 2022, a même cessé de fonctionner quelques heures.
Une preuve de plus que le sujet suscite beaucoup d’intérêt. L’effet « loupe » de la télévision a permis de dépasser les 5 600 sociétaires, pas seulement issus des régions que la future ligne directe desservira. Parmi eux, beaucoup habitent Paris, mais aussi le Rhône, ou encore la Suisse, le Canada, le Japon, la Suède, le Portugal, et même la Côte-d’Ivoire !
Outre l’obtention de la licence, il faudra aussi obtenir le certificat de sécurité unique (Cesu), en septembre ou novembre au plus tard. Et se doter de matériel. Plutôt que du neuf, le choix de Railcoop devrait se porter sur des X72500 tricaisses. Agés d’une vingtaine d’années, ils devront être remis à neuf pour juin 2022 date du début du service voyageurs. Même si la réputation de ce matériel n’est pas la meilleure, Railcoop devrait compenser la fiabilité par un parc légèrement plus important pour assurer la disponibilité nécessaire.
En avril, l’entreprise fera sa demande de sillons à SNCF Réseau qui devrait les délivrer en septembre. Le recrutement des conducteurs et du personnel en gare, une centaine de personnes au total, est prévu pour début 2022.
En attendant, Railcoop compte se lancer dans le fret, au dernier trimestre 2021, une fois le certificat de sécurité obtenu. Là encore, la société coopérative veut procéder de manière originale. Elle veut faire circuler une navette quotidienne toujours à la même heure, sur le trajet Viviez-Decazeville – Capdenac – Saint-Jory au nord de Toulouse, avec un train de wagons couverts acceptant les palettes. En termes de marché potentiel, Railcoop a identifié un trafic de 700 camions par jour entre Capdenac – Decazeville et Toulouse. La navette, elle, pourra transporter l’équivalent de 26 camions. Le potentiel de transport est bien là, même si pour l’instant, les entreprises déjà intéressées n’apporteront pas le volume suffisant pour équilibrer économiquement ce trafic. Mais Railcoop veut prendre le risque. Et, quoi qu’il en soit, ce sera l’occasion de roder le fonctionnement de l’entreprise.
Yann Goubin
Un projet ferroviaire d’un genre nouveau est en train de voir le jour en France : une coopérative baptisée Railcoop a en effet notifié, le 9 juin, à l’Autorité de régulation des transports (ART), sa volonté de refaire circuler des trains de voyageurs entre Bordeaux et Lyon, une liaison abandonnée par la SNCF en 2014. Cette perspective est rendue possible par l’ouverture à la concurrence des trains commerciaux, programmée à partir de décembre 2020.
Railcoop, qui souhaite lancer le service à partir de l’été 2022, ne cherche toutefois pas à entrer en compétition avec la SNCF mais au contraire à être complémentaire en se positionnant sur des relations province-province trop délaissées à son gré.
Les six trains quotidiens envisagés par la coopérative sur la liaison Bordeaux – Lyon doivent desservir Libourne, Périgueux, Limoges, Saint-Sulpice-Laurière, Guéret, Montluçon, Gannat, Saint-Germain-des-Fossés, et Roanne, en 6 h 47. Soit un trajet un peu plus court que celui que proposait la SNCF il y a quelques années (7 h 30 les dernières années).
Si ce temps de parcours est plus long qu’un trajet en TGV avec changement à Paris, le prix devrait être moins élevé. « Il y a une vraie demande pour des services ferroviaires directs, confortables, sûrs, à un prix abordable et pour lesquels l’enjeu de vitesse est secondaire », explique Quentin Neurohr, sociétaire de Railcoop et dirigeant de Copomo, un cabinet de conseil en mobilités. Avant la crise du Covid, Railcoop envisageait d’attirer sur cette liaison d’690 000 voyageurs par an -la moitié en cabotage-, avec un premier prix tournant autour de 38 euros, comparable à celui pratiqué sur cet axe en covoiturage. Une étude de Systra, commandée par Railcoop, a d’ailleurs confirmé le fort potentiel du marché.
Née en 2019 et basée dans le lot, Railcoop a aussi choisi un mode de gestion particulier : celui d’une société coopérative d’intérêt collectif. Du passionné de train à la collectivité locale, en passant par une banque, chacun peut acquérir des parts de l’entreprise, mais Railcoop veillera à maintenir un équilibre entre tous. Son montant a d’ailleurs été fixé à 100 euros afin que le plus grand nombre puisse participer à cette aventure ferroviaire.
Le 15 juin, Railcoop comptait 539 sociétaires. Elle en vise 3 000, afin d’avoir le capital suffisant (1,5 million d’euros) pour aller au bout de son projet et demander une licence ferroviaire, payer une assurance ou acquérir du matériel. Si tout se passe comme prévu, Railcoop saura en septembre 2021 si SNCF Réseau lui accorde des sillons permettant la circulation des trains.
Yann Goubin