Dix semaines de travail « jour et nuit ». Voilà ce qui attend les participants à la conférence de financement des infrastructures de mobilités Ambition France Transports, si l’on en croit le Premier ministre, qui a officiellement lancé la manifestation à Marseille lundi après-midi. François Bayrou n’a pas manqué de dresser un constant alarmant de la situation, évoquant tour à tour des infrastructures vieillissantes (les caténaires affichent un âge moyen de 40 ans), des chaussées dégradées représentant 50% du réseau routier, des ouvrages fragiles dans un tiers des cas, « et nous avons vu à Gênes où pouvait conduire un manque d’investissements », a souligné le Premier ministre. Pour lui, le constat qui veut « qu’un réseau qui vieillit est un réseau qui se dégrade » est irrémédiable. Voilà pour l’état des lieux.
Pour les solutions, le chef du gouvernement a été plus évasif mais a rappelé sa priorité: ne pas générer de dépenses supplémentaires. « Personne ne prend le sujet des finances publiques plus au sérieux que moi. Notre effort est plus essentiel que jamais », a-t-il répété, martelant que les solutions doivent être trouvées sans alourdir les comptes de l’Etat. Un avis partagé par Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, présente elle aussi à Marseille, qui a rappelé que l’appel à l’argent des contribuables ne doit intervenir qu’en dernier recours. Elle a indiqué que dans un mois, tous les participants à la conférence se retrouveront à Bercy pour une présentation d’une palette de solutions « justes et soutenables », impliquant « un juste partage des coûts et des bénéfices ».
Le Premier ministre a cependant mentionné ce qu’il a qualifié de pistes de financement. Le versement mobilité région inscrit dans le projet de loi de finances 2025 représente, selon lui, un outil précieux pour les collectivités. La fin des concessions autoroutières offre aussi « une opportunité sans précédent » de rediriger les recettes des péages. « J’avais été bien seul à m’émouvoir de ces privatisations », a longuement disserté François Bayrou.
Le ton est donc donné pour les participants des quatre ateliers qui avaient fait le déplacement à Marseille, tout comme Philippe Tabarot et François Rebsamen, respectivement ministre des Transports et ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation de la France.
Si le travail a commencé dans la matinée, les dix semaines à venir promettent d’être chargées pour les participants invités à « reposer les bases d’un système de financement ». Les collectivités sont particulièrement représentées avec des membres des associations Maires de France, Intercommunalités de France, France urbaine, Régions de France, Association des départements de France et Régions de France. Côté route, l’association des sociétés d’autoroutes de France a bien sûr été invitée aux débats comme l’organisation des transports routiers indépendants. Le ferroviaire compte pour experts l’Union des transports publics et ferroviaires la Fédération des Industries Ferroviaire ou encore des représentants de SNCF Réseau.
Des pistes de financement qui tiennent la route
En plus des possibilités de financement que pourraient générer la fin des concessions autoroutières, d’autres pistes sont envisagées par le secteur du transport public. En particulier l’affectation d’une fraction du produit de la mise aux enchères des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (ETS). « En France, les ETS, représentent deux milliards d’euros et pas un seul n’a jamais été fléché vers les transports publics », avait ainsi indiqué en fin d’année dernière lors des RNTP, Marie-Ange Debon, la présidente du directoire de Keolis.
De son côté, auditionné le 2 octobre dernier à l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Farandou, a lui aussi appelé à capter une partie des deux milliards d’euros de cette nouvelle fiscalité sur les poids lourds et l’avion au profit du ferroviaire.Quant à l’eurodéputé socialiste François Kalfon, il estimait qu’il faudrait « appliquer le principe pollueur-payeur et faire payer, les externalités négatives du transport routier de marchandises, notamment ». Autrement dit, relancer la taxe poids lourds tuée dans l’œuf par le mouvement des bonnets rouges en 2013.