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Ewa

Bus propres : quelles stratégies face au renchérissement de l’énergie

La conférence s’est tenue le 20 juin, au 8 rue d’Athènes 
dans le 9e arrondissement de Paris.

Face au renchérissement de l’énergie, constructeurs, opérateurs, équipementiers et sociétés d’ingénierie mettent en place des parades. Celles-ci passent notamment par des réalisations plus vertueuses, issues de la recherche et du développement, ou par de nouveaux modes d’achat ou de revente de l’énergie, comme l’ont expliqué les participants à la conférence sur les bus propres, organisée le 20 juin par VRT.

Les événements qui ont bouleversé l’équilibre géopolitique international avec la guerre en Ukraine ont conduit à une augmentation sans précédent des coûts énergétiques et à la quasi-impossibilité d’en prévoir l’évolution à court ou moyen terme. Pour les industriels, comme pour les opérateurs, l’effet sur les comptes d’exploitation a été rapide. « En quelques semaines, le prix du diesel a été multiplié par deux, et celui de l’électrique et du GNV par trois. Le coût kilométrique moyen du diesel s’est accru de 22 %, passant de 4 euros à 4,90 euros, et celui du GNV de 10 % », indique Bruno Lapeyrie. Le directeur du Centre d’Excellence Énergie-Bus de Keolis précise : « L’impact a été moins fort sur le coût kilométrique des véhicules électriques, avec une augmentation de 5 %, car l’élasticité n’est pas la même : le poids de l’énergie est en effet plus bas que celui du diesel. L’énergie, qui était un achat discret, est devenue une masse importante et instable ». Ces événements n’ont pourtant pas freiné le mouvement de transition énergétique, amorcé depuis plusieurs années sur les flottes de bus. Impossible, en effet, d’arrêter un train lancé à pleine vapeur, ont indiqué les intervenants de cette conférence, à commencer par François Warnier de Wailly, directeur du programme Bus 2025 de la RATP : « Nous avons dépassé la phase d’expérimentation de véhicules alternatifs au diesel pour aborder celle du déploiement massif de matériel roulant. Le planning est conforme avec celui qui avait été conçu avec Île-de-France Mobilités il y a cinq ans, avec une cadence d’un à deux nouveaux bus par jour, soit environ 500 par an ». Sur les 25 centres de bus que compte la RATP en Île-de-France, la moitié est « globalement » prête à accueillir des bus biogaz ou électriques, alors que les autres sont encore en travaux, avec l’exigence de conserver une exploitation à plein régime. Près de 700 bus électriques ont été déjà mis en exploitation auxquels s’ajoutent près de 900 bus au GNV. 

Nouvel équilibre 

Bruno Lapeyrie confirme : « Le “pli“ de la transition énergétique est bien pris. Keolis exploite actuellement dans le monde 1 500 bus électriques, 40 bus à hydrogène, et 2 500 bus au bioGNV. Une flotte conséquente dont la gestion quotidienne instaure de nouveaux paradigmes en matière de gestion énergétique ». « En tant qu’opérateur de mobilité, la gestion de l’énergie commence à devenir un sujet central. Nous avons un énorme chemin collectif à parcourir, car jusqu’à présent, nous n’avions que peu de notions dans ce domaine », souligne-t-il. Son groupe a consommé 5 500 GWh en 2022 – soit l’équivalent d’un réacteur nucléaire – avec une répartition à 60 % de gazole et 20 % d’électricité. « Cet équilibre est en train de changer très rapidement, notamment en Europe du Nord qui avait déjà franchi le cap des carburants décarbonés il y a dix ans. Les pays nordiques sont désormais entrés de plain-pied dans l’électromobilité », souligne-t-il. 

Jean-Marc Boucheret, directeur des transports publics et de la mobilité durable chez Iveco, nuance les propos sur les pays d’Europe du Nord, présentés comme des modèles en matière de mobilité électrique. « Certains pays d’Europe du Nord sont plus avancés en termes de part de marché, mais en termes de volume de véhicules, la France réussit cette transition plus rapidement », estime-t-il. En 2022, 87 % des autobus immatriculés en France roulent avec une énergie alternative au gazole, avec une prédominance du GNV (58 % des immatriculations), devant l’électrique à batterie (29 %). L’année 2023 marque toutefois une pause dans les immatriculations des autobus électriques avec une baisse de 40 % sur les cinq premiers mois de l’année, « peut-être liée à une diminution des aides (bonus, aides Mobus) ou par le fait de projets ADEME non sélectionnés ».

Optimisation 

« Il faut désormais passer de la transition à l’optimisation énergétique, car l’énergie devient un bien rare. Il nous appartient, en tant qu’industriel, de préserver cette denrée », souligne de son côté François Warnier de Wailly. En matière d’économie d’énergie, les acteurs ont tous activé les leviers de l’éco conduite et de l’optimisation des trajets routiers. De nouvelles pistes de travail apparaissent à présent, basées sur une gestion plus fine de la charge, et ceci pour tous les modes, qu’ils soient électriques, à hydrogène ou au GNV. « Nous avions, par exemple, l’habitude de charger nos bus bioGNV au maximum de pression, à 200 bars. Or, la compression consomme des ressources, et nous veillons désormais à l’évaluer avec pertinence, en fonction des missions que doivent effectuer les bus le lendemain », ajoute-t-il.

La RATP a aussi travaillé sur le « smart charging », avec l’objectif de piloter ses bornes de recharge pour véhicules électriques, à la fois en puissance et en horaire. « Nous avons rencontré plusieurs difficultés, car les bornes utilisées dans nos centres n’étaient pas forcément interopérables », explique le dirigeant. La RATP a ainsi collaboré avec DREEV, filiale d’EDF spécialiste du « smart charging », sur l’interopérabilité de ses bornes de recharge utilisées par des flottes pouvant compter jusqu’à 200 véhicules. « Il s’agit d’un vrai travail d’ingénierie. Les fournisseurs d’énergie deviennent désormais nos partenaires, c’est une révolution culturelle », résume-t-il. D’ici trois ou quatre ans, les opérateurs de transport deviendront des opérateurs énergétiques, renchérit Bruno Lapeyrie. Ce nouveau rôle d’énergéticien se cristallisera notamment autour de la gestion des batteries. « Lorsqu’un opérateur dispose de 10 000 bus électriques, il renouvelle environ 1 500 batteries par an, à 150 000 euros la batterie. Au bout de quelques années, lorsque toutes les batteries auront été changées, cet opérateur disposera d’un parc de 10 000 batteries statiques, qui seront loin d’être en fin de vie puisqu’elles représentent une capacité de stockage équivalente à une petite centrale électrique. Ainsi, les opérateurs vont fatalement acheter et vendre de l’énergie », affirme-t-il. De quoi inventer de nouveaux métiers. « Nous allons devenir des gestionnaires de flottes de batteries de seconde vie, en plus d’être des gestionnaires de véhicules. Nous sommes d’ailleurs très sollicités à propos de l’utilisation de ces batteries, ce qui prouve qu’elles sont loin d’être en fin de vie et détiennent une valeur loin d’être négligeable », souligne-t-il. 

François Warnier de Wailly abonde dans ce sens : « Nous testons actuellement différentes solutions pour savoir comment gérer la deuxième vie des batteries, puisque les premières batteries utilisées pour le compte d’IDFM ont désormais atteint cette maturité. Les résultats sont encore confidentiels, mais nous recevons beaucoup d’appels ». Il indique que la RATP n’a pas, d’un point de vue statutaire, la possibilité de vendre de l’énergie, « bien que cela puisse évoluer ».

Data

Avant de penser à la seconde vie des batteries, les opérateurs font tout pour maximiser et prolonger leur première vie. « Les batteries représentent le tiers du prix des véhicules que l’on exploite, la moindre optimisation sur la durée de vie devient immédiatement une source d’économie pour l’exploitant et la collectivité locale », insiste François Warnier de Wailly. Pour initier les premières tournées en bus électriques, tous les exploitants ont émis des hypothèses dans leurs business plan sur la durée de vie hypothétique des batteries, « qui peuvent s’apparenter à des paris ». Place désormais à la réalité, avec une data à présent disponible. « Nous avons instrumentalisé nos bus pour récolter un grand nombre d’informations. La problématique va consister à traiter cette information pour en retirer des corollaires et optimiser nos prévisions et budgets associés. Ces datas représentent à présent une nouvelle manne pour les opérateurs et AOM [Autorité organisatrice de la mobilité]. »

Il reste un point technique sur lequel industriels et opérateurs doivent rester vigilants. En cas de fortes chaleurs, les batteries peuvent avoir une réaction incontrôlée d’auto échauffement, pouvant conduire à un incendie, voire une explosion. Répondant à une question posée par un participant, Bruno Lapeyrie indique que la data reste essentielle pour éviter les emballements thermiques. « Il faut mettre en place la notion de State of Safety qui doit être la priorité numéro un. La data doit permettre d’alerter un conducteur, ou un superviseur dans un PC, en prévenant qu’un emballement thermique est possible dans une heure, un quart d’heure ou cinq minutes, le temps d’évacuer le bus », détaille-t-il. Jean‑Marc Boucheret ajoute qu’Iveco a mis en place un circuit interne de ventilation pour refroidir les batteries.

Pour répondre aux besoins d’électrification, constructeurs et intégrateurs s’organisent. Iveco entame ainsi la seconde phase d’investissement en la matière, après une première période de dix ans qui vient de s’achever, consacrée à l’arrivée de véhicules électriques hybrides à haute tension. « Désormais, nous allons nous concentrer sur des véhicules purement électriques, puisque nous avons déjà plus de 1 500 commandes pour nos bus électriques ». Le constructeur transalpin fortement implanté en France, a récemment investi 115 millions d’euros dans l’hexagone en R&D, produits et usines, avec un surplus de 30 millions en Italie, dédiés à la conception et à la production de ses propres batteries dédiées aux véhicules électriques et à hydrogène. Les premiers à en être dotés seront les véhicules suburbains Crossway Low Entry électriques à batteries, présentés récemment au salon de l’UITP de Barcelone, et bientôt de l’Iveco Daily Electric. 

Iveco mettra également l’accent sur une baisse de consommation en se dotant, sur son site de Vénissieux, d’un outil de simulation de dernière génération, consistant en un banc d’essai complet pour véhicules de 12 et 18 mètres, qui entrera en service en 2023. « Ce banc d’essai permettra de concevoir des véhicules qui consommeront moins, en testant autant les systèmes à batteries qu’à hydrogène, en lien avec les pompes à chaleur. Cela constitue un saut qualitatif déterminant pour la deuxième partie de la décennie, en phase avec la croissance du marché hydrogène », indique Jean-Marc Boucheret. 

Pour sa part, Olivier Kompaore, vice-président de Product line Charging and Power Transfer de Wabtec, indique que son entreprise est focalisée sur les points de charge automatique, pour les pantographes inversés en station ou sur les dépôts. Elle propose également des enrouleurs pour les dépôts, jusqu’à 2,3 mégawatts. « Nous sommes persuadés que l’automatisation reste la solution de recharge la plus sécurisée possible, car les solutions manuelles posent des problèmes de sécurité. Ce phénomène sera renforcé avec les mobilités autonomes », estime-t-il. 

Côté ingénierie, Benjamin Lugand, chef de projet transition énergétique de Systra France, indique que son groupe a développé un ensemble d’outils numériques pour optimiser les notions d’exploitabilité des véhicules électriques, en proposant la juste puissance électrique des dépôts pour l’adapter aux « kilomètres fiables » attendus des véhicules. « Nous réalisons à cet effet le jumeau numérique du dépôt, d’une ligne ou d’un réseau dans son intégralité, afin d’obtenir les bons dimensionnements. À Montréal, nous avons ainsi abaissé la puissance appelée de 30 % pour un dépôt, avec les mêmes données d’enjeux et d’exploitabilité. Idéalement, il convient d’avoir le regard de l’exploitant et du mainteneur, dès la conception du dépôt », explique-t-il. 

Cette expertise peut être étendue aux aspects de maintenabilité et d’exploitabilité lors des projets de conversion des dépôts électriques. « Jusqu’à présent, avec des véhicules diesel, les interventions sur les transformateurs s’effectuaient de nuit, pour éviter les coupures de courant en journée. Ce n’est plus possible avec des véhicules électriques rechargés après le service. Nous devons donc appréhender ces interventions dès la phase de conception du dépôt ».

Anticipation et maîtrise

L’électrification de plus en plus massive des flottes de véhicules va obliger les opérateurs à se prémunir contre la volatilité des prix de l’électricité en menant plusieurs stratégies de front. Pour Bruno Lapeyrie, le premier moyen d’y faire face, « de loin le plus puissant en termes d’efficacité », consiste à maîtriser l’ingénierie contractuelle. « Il faut développer cette ingénierie pour mieux acheter l’énergie. Keolis a, par exemple, signé trois contrats de long terme à prix fixe – aussi appelés Power Purchase Agreement (PPA) – avec un producteur d’électricité solaire, sur une durée de moyen terme, contre un volume avec des prix négociés plus bas. Tous les opérateurs de mobilité sont en train d’en négocier actuellement pour s’assurer une part d’énergie décarbonée dans leur approvisionnement ». Les opérations sont facilitées lorsque l’Autorité organisatrice de mobilité (AOM) achète elle-même l’énergie. Dans le cas contraire, l’opérateur s’y résoudra, moyennant une commission pour couvrir le transfert de risque, souligne Bruno Lapeyrie. Ce dernier alerte sur le cas des collectivités qui ont mal anticipé l’inflation des prix. « Cela n’a pas été le cas en France, mais cela s’est traduit par des problèmes de trésorerie pour les opérateurs, qui ont dû tenir six à neuf mois avec des prix décorrélés de la réalité. Un groupe comme Keolis peut le supporter, ce n’est pas le cas des petits opérateurs », rappelle-t-il. 

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Les professionnels réflechissent à de nouvelles solutions alors que le prix du diesel a été multiplié par deux et celui de l’électrique et des GNV par trois.

Autre moyen d’action : la maîtrise des consommations. « Les premiers vrais bus électriques arrivent sur le marché, avec une conception plus légère qui ne repose plus sur l’adaptation d’un ancien modèle thermique. Ces nouveaux bus consomment 25 à 30 % de moins », assure le représentant de Keolis. Les exploitants peuvent aussi jouer sur la maîtrise des coûts énergétiques de leur activité tertiaire (bâtiments, bureaux, dépôts et ateliers) qui représente environ 10 % de la dépense énergétique de Keolis. 

Un troisième levier repose sur l’utilisation du « smart charging », ou pilotage des rechargements, qualifié de « fun charging » par Bruno Labeyrie, « car la créativité est sans limite pour ses applications ». À Stockholm, Keolis exploite un dépôt piloté en fonction du prix spot du kilowattheure. « Le système ordonnance toutes les entrées et sorties des véhicules pour avoir la facture énergétique la plus faible possible, en tenant aussi compte de la météo du lendemain qui va influer sur le chauffage ou la climatisation », raconte-t-il. Le nec plus ultra du smart charging repose sur le concept du « vehicule to greed », où l’électricité chargée dans les véhicules peut être revendue lorsque son prix est plus haut. « Ce principe n’existe pas encore en France, mais ce n’est qu’une question de temps », estime-t-il. Il existe un moyen plus simple de réaliser des économies en paramétrant correctement le potentiel de puissance d’un site. « La moitié du prix de l’électricité est liée au potentiel de puissance que l’on peut appeler. En dimensionnant correctement un dépôt, le coût de l’électricité est réduit, qu’elle soit consommée ou non ».

Dernier levier « en termes d’efficacité » sur lequel agir : l’autoconsommation. « Les opérateurs disposent de très grandes surfaces disponibles pour installer des panneaux photovoltaïques, d’autant plus que le décret tertiaire va les obliger à équiper les ombrières et parkings en panneaux photovoltaïques. Keolis va s’en servir pour alimenter ses bus et ses flottes de batteries de seconde vie », indique Bruno Lapeyrie. Selon lui, il est parfois plus difficile d’équiper les bâtiments, car Keolis n’est pas toujours propriétaire des dépôts, et ces derniers n’ont pas toujours été conçus pour être équipés de panneaux photovoltaïques.

Mix énergétique 

Si le mode électrique attire et fait beaucoup parler de lui, il reste encore minoritaire.Jean‑Marc Boucheret considère que l’avenir de la filière transport ne peut reposer que sur la seule électromobilité, en laissant de côté les autres énergies comme le gaz. « L’Europe devrait dépasser le critère du seul critère d’émission de CO2 pour considérer l’ensemble des émissions, du puits à la roue, comme le font déjà toutes les entreprises dans le cadre des Scopes 1, 2 et 3 », déclare-t-il, en faisant référence aux nombreux cars et bus dotés d’un moteur à gaz qui circulent actuellement. D’autant plus que la part du bioGNV augmente fortement. En France, la production de biométhane avoisine les 4 TWh. Actuellement, le biométhane représente 36 % du GNV consommé dans les bus, et cette part devrait atteindre les 100 % en 2033, selon la filière. « Le bioGNV est porté par les collectivités qui ont vu l’intérêt de soutenir une énergie décarbonée, non délocalisable et résiliente, dont la pertinence a été démontrée en 2022, qu’elle soit issue de la production de déchets urbains dans les métropoles ou bien des déchets de la production agricole », rappelle-t-il, en évoquant le lien qui s’est noué à l’échelle locale entre le bioGNV issu de l’agriculture, et l’autocar, lequel permet d’assurer un maillage fort des territoires.  De fait, un autocar sur cinq immatriculé en France est désormais équipé d’un moteur au gaz. De quoi redonner un peu de crédit à la filière gaz où Iveco est fortement investi. « Un véhicule biogaz fait aussi bien qu’un véhicule électrique en matière d’émissions, voire mieux, dans certains pays comme la Pologne où l’électricité est produite par du charbon », souligne Benjamin Lugand, en plaidant également pour l’utilité de préserver un mix énergétique.

Olivier Kompaore valide cette vision. « Le marché tendra probablement vers un mix des différentes énergies, en gardant à l’esprit que le plus important reste la fiabilité et les temps de charges rapides, notamment la façon dont il est possible de transférer de la haute puissance en temps très court. Enfin, il convient de prendre en compte l’impact de ces solutions sur le poids des véhicules, car plus le véhicule sera lourd et plus il consommera. Le travail sur l’allègement des véhicules représente une piste de réflexion pertinente ». Enfin, Olivier Kompaoré ne veut pas oublier la piste de l’induction. Certes, la fiabilité de cette solution est encore loin d’être au niveau de celles des autres systèmes déjà éprouvés « mais cette technologie, encore en phase de test, arrive désormais sur le marché. Il y a beaucoup d’essais en cours, on ne peut les ignorer ».

Interrogé sur le choix du mix énergétique en Île-de-France, François Warnier de Wailly rappelle que cette décision est généralement portée par l’AOM. « Les exploitants doivent disposer et maîtriser l’ensemble des énergies du panel, puis les mettre en œuvre au regard des spécificités locales. Car la décision du choix énergétique appartient au territoire. La situation en Île-de-France n’est pas du tout la même qu’à Montréal où il suffit d’ouvrir un barrage à proximité pour disposer d’énergie hydro-électrique ».  Bruno Lapeyrie ajoute que le biocarburant a également toute sa place. « Il y a beaucoup de cas où l’électromobilité est impossible à mettre en œuvre. Par exemple, la plupart des autocars interurbains passent la nuit garés devant le domicile du conducteur. Il est hors de question d’installer un chargeur de 250 kWh devant chez eux ». Keolis veille toutefois à n’acheter que des biocarburants de deuxième génération, dont le fabricant peut garantir la provenance et l’origine. 

Interrogé sur la compatibilité des véhicules Iveco avec le B100, issu du colza, Jean-Marc Boucheret indique que leur motoriste les avait plutôt orientés vers le XTL « considéré comme un carburant d’une meilleure durabilité ». Face à l’engouement franco-français pour cet agrocarburant, Iveco pourrait réviser sa copie. « Nous avons demandé à notre motoriste de réexaminer sa position vis-à-vis du B100, nous attendons ses conclusions dans un avenir proche ».

Trolleybus version IMC

L’engouement pour le mode électrique permettra-t-il de réhabiliter les trolleybus, ou plutôt leur version améliorée IMC (pour In Motion Charging) qui les dote d’une petite batterie leur permettant de s’affranchir pendant quelque temps du réseau aérien ? Bruno Lapeyrie rappelle que Keolis exploite ce système à Lyon. « Il s’agit d’une solution extrêmement élégante, d’un point de vue fonctionnel, qui permet de couper le fil à la patte d’une alimentation permanente, en permettant de rouler jusqu’à 30 % du temps sur batterie. Toutefois, l’architecture urbaine est loin de passer au second plan et très peu de villes en Europe de l’Ouest acceptent de mettre en place des lignes aériennes de contact, à moins d’en posséder déjà ». 

Jean-Marc Boucheret indique qu’Iveco a proposé les tramways IMC à de nombreuses collectivités, sans pour autant assister à l’émergence de nouveaux projets. « L’investissement linéaire et la maintenance peuvent également constituer des freins. La ville de Berlin, qui voulait une énergie purement électrique, avait un projet à Spandau, désormais remis en cause. De fait, il y a très peu de nouveaux projets, à part quelques-uns en Italie, en Allemagne ou à Prague ». Selon lui, les collectivités préfèrent la flexibilité d’exploitation offerte par les bus électriques à batteries, avec une charge au dépôt la nuit, et ceci d’autant plus en France « où les véhicules sont confrontés à des difficultés de circulation ». La vitesse moyenne des véhicules est basse, surtout quand on la compare avec celle des Pays-Bas où les autobus urbains roulent 100 000 km par an, soit 30 % de plus.

« En France, les bus roulent un maximum de 200 km par jour, ce qui permet d’utiliser peu de batteries, même avec de la climatisation ou du chauffage. Si un jour la circulation des bus devient plus fluide, avec davantage de sites propres, les véhicules atteindront les 100 000 km par an et il sera temps de refaire des calculs pour éventuellement envisager d’intégrer des pantographes », estime-t-il. En attendant, le modèle du bus à batteries reste privilégié. 

Grégoire HAMON

Ewa

Keolis remporte un contrat de bus de la proche banlieue de Stockholm

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L’autorité organisatrice des transports de la région de Stockholm, Trafikförvaltningen (SL), a attribué à Keolis Sverige AB l’exploitation de 54 lignes de bus dans la proche banlieue nord-ouest de Stockholm (quartier de Bromma et communes de Solna, Sundbyberg et Sollentuna, 476 000 habitants).

D’un montant global de sept milliards de couronnes (600 millions d’euros) sur dix ans, le contrat comprendra, outre l’exploitions de 54 lignes de bus, la gestion du foncier de SL (dépôts et espaces ouverts au public) dans le secteur, ainsi qu’un renouvellement du parc, actuellement constitué de véhicules biodiesel (huile végétale hydrotraitée), par la mise en service de bus à batteries, de façon à assurer 80 % du kilométrage en mode électrique. Ce qui implique l’adaptation des dépôts à la recharge et à la maintenance de bus à batteries d’ici le début de la période contractuelle.

À la rentrée d’août 2024, les 515 salariés de la filiale suédoise de Keolis reprendront la desserte de près de 1 400 points d’arrêts dans ce secteur, avec un parc de 200 bus standard ou articulés. Cette desserte est actuellement assurée par VR Sverige AB, filiale de l’opérateur ferroviaire historique finlandais VR, qui avait repris les activités suédoises d’Arriva en 2022.

SL a jugé que l’offre de Keolis était la meilleure en se basant sur les critères de prix et de qualité. Le contrat comprend en particulier des bonus et malus pour, entre autres, le taux de réalisation du service, la ponctualité et la satisfaction des usagers, au nombre de 130 000 par journée ouvrable d’hiver sur le secteur desservi (28,5 millions de voyages annuels).

P. L.

Ewa

Et enfin, la RATP prend pied en Caroline du Nord

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Egalement du voyage américain, RATP Dev USA remporte de son côté deux nouveaux contrats d’exploitation et de maintenance d’autobus en Caroline du Nord : à Durham et autour de Raleigh, la deuxième ville de l’État située sur la côte Est des Etats-Unis.

Deux contrats de cinq ans (quatre années supplémentaire optionnelles) à Raleigh et dans le comté de Wake avec 185 véhicules en exploitation et 450 employés. Ils concernent des lignes régulières fixes et des services de « paratransit » pour le transport de personnes à mobilité réduite (PMR). Le service devait être lancé fin avril pour les itinéraires fixes, le 1er juillet 2023 pour les services adaptés aux PMR.

A Durham, le contrat porte sur 58 véhicules, avec 245 employés. Il démarre en juillet, pour cinq ans avec une option renouvelable sur deux ans supplémentaires.

Ewa

La page des années Covid tournée, Keolis reprend son souffle

La direction de Keolis présentait les résultats 2022 le 10 mars depuis le nouveau siège du groupe à La Défense.

Pour le groupe SNCF, l’année 2022 avait été notamment marquée par la bonne performance de deux de ses filiales, Geodis et Keolis. Cette dernière a présenté ses résultats le 10 mars, depuis son nouveau siège de La Défense. « Nous sortons des turbulences 2020-2021, deux années difficiles [liées à la crise sanitaire, nldr] et qui sont maintenant surmontées », veut croire Marie-Ange Debon, dirigeante de l’entreprise de transport urbain et interurbain.

La fréquentation de passagers sur les réseaux de transport public a quasiment retrouvé son niveau d’avant-Covid (95 % en France, 80% à l’étranger) et le chiffre d’affaires de Keolis est par conséquent reparti à la hausse en 2022, à 6,7 milliards d’euros (+6,4 % par rapport à 2021, +2,1 % par rapport à 2019, avant le Covid). Partagé à peu près équitablement entre les activités françaises (3,3 Mds€) et internationales. L’effet change sur la croissance du chiffre d’affaires est de 100 M€.

En France, Keolis a notamment réussi à sauver le marché de Bordeaux (son troisième plus gros contrat), et de Dijon, et gagné en offensif les réseaux urbains de Perpignan et de Valenciennes. En Ile-de-France, l’opérateur s’est aussi placé sur plusieurs marchés de bus Optile, en moyenne et grande couronne. Quant à Effia, la filiale stationnement de Keolis, elle a connu une reprise d’activité (+26% en 2022) dans ses parkings de gare et notamment dans le Sud de la France. Et voit son chiffre d’affaires dépasser d’un quart son niveau d’avant-Covid.

Au total, sur l’Hexagone, les gains de chiffre d’affaires représentent 680 M€ en France en 2022, avec un solde positif de 110 M€ entre les marchés gagnés et cédés à la concurrence.

L’Angleterre ferroviaire reste « un marché clé « 

A l’étranger où Keolis réalise l’autre moitié de son chiffre d’affaires et a achevé sa revue de portefeuille en cédant ses activités en Allemagne et en Norvège, la filiale de la SNCF se maintient sur les franchises ferroviaires britanniques : « un marché chahuté mais clé », selon Marie-Ange Debon. Le contrat Thameslink (1300 km de lignes, 350 millions de passagers) a été renouvelé l’an dernier mais la franchise ferroviaire du Pays-de Galles (Wales & Borders) exploitée par Keolis a été renationalisée par le gouvernement.

Au final, ce sont principalement les contrats d’exploitation des bus de Sidney, des Pays-Bas, de Suède et du métro de Dubaï, et la reprise des lignes touristiques au Canada qui tirent le chiffre d’affaires 2022, indique la directrice financière du groupe, Christelle Villadary. Quant au laborieux contrat des RER de Boston qui avait valu de sérieuses déconvenues à Keolis jusqu’en 2019, il est enfin en ordre de marche, selon Bernard Tabary, le directeur international du groupe. « Ça roule… », assure-t-il.

Si 2022 renoue avec la reprise de l’activité, Keolis a dû, comme ses concurrents, faire face à la flambée du prix de l’électricité et aux tensions sur le marché du travail. Comme pour la RATP (et sans doute Transdev qui présentera ses résultats le 21 mars)  la pénurie de conducteurs et de personnel de maintenance a entravé l’offre de transport et entrainé des pénalités financières (dont le montant n’est pas publié) pour services non assurés. Ces facteurs conjoncturels ont eu un impact sur le résultat net qui est néanmoins positif à 48 millions d’euros, en progression de 28 M€ par rapport à 2021.

Le groupe maintient une petite marge et améliore ses ratios financiers avec un cash flow libre à 94 M€ contre 73M€ en 2021, et une dette nette sur Ebitda (qui mesure la profitabilité) à 2,7 x, en amélioration de 0,2x par rapport à 2021.

En 2023, les grands rendez-vous en ligne de mire sont bien sûr les lignes du futur métro automatique Grand Paris Express. Keolis a répondu aux trois appels d’offres d’Ile-de-France Mobilités pour les lignes 15, 16-17,et 18,  même « si tout a été fait pour entraver la concurrence » [en accordant le rôle de gestionnaire d’infrastructure à la RATP, ndlr], critique Frédéric Baverez, directeur exécutif France de Keolis.

Quant à l’ouverture à la concurrence des lignes de bus RATP à Paris et en proche couronne, prévue au 1er janvier 2025, « Nous, on est prêts, IDFM aussi…, a-t-il poursuivi. Mais si les nouveaux entrants devront assumer les frais de licenciement des agents de la RATP, nous n’irons pas ! Pas un seul pays de l’OCDE a pensé un truc pareil ! », reprend Frédéric Baverez.

Nathalie Arensonas

Ewa

Ouverture des marchés de transport de voyageurs : l’Autorité de la concurrence s’empare du sujet

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Comment se passe la libéralisation des transports urbains, interurbains et régionaux de voyageurs ? Le gendarme français de la concurrence a décidé d’interroger les acteurs du marché. Elle lance une consultation publique jusqu’au 31 mars, avec toute une batterie de questions. Morceaux choisis.

Trains de voyageurs

Connaissez-vous le calendrier d’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux dans votre région et/ou dans les autres régions françaises ? Qu’en attendez-vous ? Y a-t-il des obstacles ou des freins à l’entrée de nouveaux opérateurs ? Faut-il octroyer les marchés par lots ou confier l’intégralité d’un réseau de transport urbain à un opérateur unique ? Quels sont les équipements, installations et autres actifs susceptibles de procurer un avantage concurrentiel significatif à un candidat ? Quelles sont les informations stratégiques ou indispensables pour l’élaboration des offres ? Le cadre réglementaire relatif à la transmission de données est-il satisfaisant ?

Autocars « Macron »

Quelles évolutions économiques a connu le marché du transport interurbain par autocar librement organisé depuis l’entrée en vigueur de la loi Croissance et égalité des chances (dite « loi Macron ») du 6 août 2015 ? Le transport ferroviaire et le transport longue distance par autocar sont-ils concurrents ou complémentaires ?

Gares, pôles d’échanges multimodaux

Les gares ferroviaires de voyageurs et autres installations de service ferroviaire permettent-elles-il d’assurer des conditions de concurrence satisfaisantes pour les opérateurs, et une qualité de service satisfaisante pour les usagers ? Y a-t-il des obstacles ou des freins à l’accès de nouveaux opérateurs aux gares ferroviaires ou routières ? Quelles sont les contraintes qui peuvent empêcher le développement des pôles d’échanges multimodaux ?

Réponses à envoyer par mail avant le 31 mars 2023,
en précisant le nom de la société ou de l’organisation et votre secteur d’activité.

Les contributions ne seront pas publiées par l’Autorité de la concurrence. Mais le nom des entreprises ou organisations
pourront être cités dans son futur avis (sauf mention contraire express).

N.A

Ewa

Navigo : 37,60 à 112,80 euros remboursés pour compenser les retards dans les transports franciliens

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Un bus toutes les 20 ou 30 minutes, des rames de métro moins nombreuses et donc bondées, des perturbations inédites sur les RER B et D : entre septembre et décembre 2022, les Franciliens ont connu quatre mois cauchemardesques dans les transports publics alors que se profilait l’augmentation du tarif du passe Navigo début 2023.

Pendant les quatre derniers mois de l’année, 25 % des bus et entre 10% à 20% des métros n’ont pas circulé sur le réseau de la RATP, les bouts de ligne des RER étaient très mal desservis. « Une dégradation brutale de la qualité des transports liée aux difficultés de recrutement et à des mouvements sociaux diffus qui ont désorganisé l’exploitation », a décrit Valérie Pécresse avant de détailler le 9 février, en conférence de presse, les montants d’indemnisation pour les abonnés Navigo (mensuel ou annuel), les titulaires du forfait Senior, imagine R Étudiant et Scolaire, Mois Réduction 50 % et Mois Solidarité 75 %.

Compensations financières

« Les Franciliens doivent en avoir pour leur argent, a martelé la présidente de la région capitale et d’Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports. Nous avons décidé d’indemniser d’un demi-mois toutes les personnes ayant acheté trois forfaits Navigo mensuels sur les quatre derniers mois de 2022 », a-t-elle annoncé.  Soit 37,20 euros (sur la base du prix du Passe Navigo en 2022).

Auxquels peuvent s’ajouter 75,20 euros supplémentaires pour certains usagers du RER B Nord (tronçons Aulnay- Mitry et Aulnay-CDG2), du RER B Sud (Saint-Rémy -Bourg-la-Reine) et du RER D, où la régularité n’a plus été au rendez-vous pendant de longs mois.

Soit 112,80 euros en cas de cumul d’indemnisations

Pour rembourser les voyageurs, IDFM compte puiser dans les « réfactions de charges » – à savoir 60 millions d’euros non versés à la RATP en raison d’un défaut de service . Et récupérer 7 autres millions d’euros auprès de la RATP et de la SNCF parce que la ponctualité a été sous la barre des 80% pendant au moins trois mois. Une clause prévue dans les contrats signés avec les deux opérateurs depuis deux ans.

« Le redressement de la qualité de service est enclenché et ça progresse doucement en janvier 2023,  constate Valérie Pécresse. Je serai particulièrement vigilante à la trajectoire de redressement d’autant plus qu’on a été contraint, à cause de la hausse du coût de l’énergie, d’augmenter le tarif du passe Navigo de 75,20 à 84,10 euros », insiste la patronne d’IDFM qui cherche des pistes de financement.

Qui sera remboursé, et comment ?

L’espace dédommagement d’IDFM doit ouvrir le 14 mars pour une durée d’un mois. Pour être éligibles, les voyageurs devront présenter une attestation de domicile ou d’employeur prouvant l’utilisation régulière des axes RER et de trains les plus dégradées, un justificatif du passe Navigo ou un relevé bancaire.

« C’est de l’argent qu’IDFM récupère de la RATP, et il y a aura forcément de la perte en ligne. Pour que le plus grand nombre possible de Franciliens soient informés et remboursés, nous demandons un effort de communication à IDFM, note Marc Pélissier, président de l’association des usagers des transports d’Ile-de-France (AUT). Autrement dit, des affiches, des annonces sonores et des bandeaux défilants. Ces compensations sont légitimes, on a touché le fond en décembre et on remonte progressivement la pente, mais il reste des points noirs comme les lignes 8 et 12 du métro, on attend  le retour de l’offre à 100% au printemps auquel s’est engagé Jean Castex, le nouveau patron de la RATP« , ajoute le défenseur des intérêts des usagers

Nathalie Arensonas

Ewa

Valérie Pécresse ne veut pas de report de l’ouverture à la concurrence des bus RATP

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Valérie Pécresse ne souhaite pas le recul de l’ouverture à la concurrence des bus parisiens, monopole de la RATP jusqu’à la fin 2024, même s’il y a un risque de conflit social au moment des JO prévus cette année-là. La présidente d’Ile-de-France Mobilités (IDFM) l’a expliqué dans une interview publiée dans Le Figaro de ce jour : « Reporter l’ouverture à la concurrence car une minorité de personnels pourrait prendre les usagers en otage, c’est céder au chantage« . Et l’élue de noter qu’un report ne mettrait pas à l’abri « d’un conflit social ultérieur« .

Il y a quelques jours, dans une tribune, des élus franciliens de gauche avaient demandé de desserrer le calendrier de l’ouverture à la concurrence du réseau des transports publics en Ile-de-France. En réponse, le ministre des Transports s’était dit ouvert à un report. « Je suis pragmatique. On peut discuter, on peut décaler« , a indiqué le 5 janvier Clément Beaune, interrogé sur cette éventualité.

« Si le gouvernement veut changer la loi, il peut le faire. Mais cela serait au détriment des voyageurs« , juge la présidente de région. Selon elle, « l’ouverture à la concurrence dans tous les secteurs, ça apporte une meilleure offre à un meilleur prix« . Pour la patronne des transports franciliens, il est surtout «  impératif de rassurer les agents de la RATP sur les conditions de mise en concurrence« .

Ewa

Les élus de la gauche francilienne demandent de repousser l’ouverture à la concurrence des bus RATP

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Paris RATP

Dans une tribune publiée le 2 janvier dans Le Monde, Anne Hidalgo, la maire de Paris, et plus de 250 autres élus franciliens de gauche (EELV, communistes, socialistes, LFI-Nupes) demandent à la Première ministre Elisabeth Borne de desserrer le calendrier de l’ouverture à la concurrence du réseau des transports publics en Ile-de-France. A commencer par celle des lignes de bus de Paris et de la petite couronne prévue dans tout juste deux ans, début 2025.

Les premiers lots seraient attribués au plus tôt début 2024, année des Jeux olympiques organisés principalement à Paris et sa banlieue. L’arrêt de l’exploitation des lignes par l’Epic RATP interviendrait dans la nuit du 31 décembre 2024 au 1er janvier 2025. Plus de 14 000 machinistes-receveurs sont directement concernés ainsi que d’autres catégories d’emplois qui concourent à l’activité bus de la régie.

« Dangereux, fou »

Un processus de libéralisation « dangereux, voire fou », estiment les élus signataires de la tribune, jugeant même qu’il a déjà un impact sur les difficultés rencontrées depuis plusieurs mois par la RATP. En particulier les problèmes de recrutement, d’absentéisme, de maintenance du matériel, qui entraineraient déjà, selon eux, une dégradation de l’offre de transport. « La mise en concurrence et les conditions de travail actuelles et futures affectent gravement la qualité de service et la sécurité des usagers« , écrit le collectif composé de parlementaires, de maires des communes de petite et grande couronne parisienne et de conseillers régionaux et départementaux.

Ils demandent à la Première ministre de « surseoir (au) processus de privatisation pour l’ensemble des transports d’Ile-de-France« , en intervenant auprès de Valérie Pécresse.

Juste avant Noël, Anne Hidalgo avait déjà écrit un courrier en ce sens à la cheffe de l’exécutif. Et juste avant de quitter la direction de la RATP en septembre 2022, Catherine Guillouard avant écrit à Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France et de l’autorité organisatrice des transports Ile-de-France Mobilités, pour l’alerter sur les risques sociaux de la libéralisation du réseau de bus.

Pour rappel, le calendrier d’ouverture à la concurrence du réseau des transports publics franciliens est le suivant :

  • les bus de la grande couronne (réseau Optile) sont libéralisés depuis 2021 et plusieurs opérateurs alternatifs (Transdev, Keolis, groupement Lacroix-Savac) ont remporté des marchés, non sans mouvements sociaux,
  • les bus de Paris et de la petite couronne doivent l’être au 1er janvier 2025,
  • les métros et les tramways au 1er janvier 2040.

C’est un règlement européen de 2007 sur les obligations de service public (OSP) qui oblige les Etats membres à ouvrir les transports publics de voyageurs à la concurrence.

Lire la tribune et la liste des signataires : ici

N.A

Ewa

Inclusivité : la dernière roue du MaaS ?

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L’essor du MaaS porte de nombreux espoirs d’une mobilité plus fluide et plus durable. Mais fluide et durable pour qui ? Cette tribune interroge les enjeux sociaux soulevés par le développement du MaaS, la digitalisation et la dématérialisation des services de transport. Par Nicolas Louvet, Léa Wester

 

Dans un contexte de multiplication des offres de services de mobilité, le MaaS a pour objectif de fournir à l’usager une solution multimodale fluide accompagnant l’usager, du stade de l’information à celui de la réalisation du trajet. En intégrant également l’achat et l’utilisation de services de mobilité (validation du titre ou déverrouillage des véhicules), les applications MaaS se présentent comme des supports numériques complets pour les déplacements. Les pionniers du développement de telles solutions sont des acteurs privés qui agrègent aujourd’hui plusieurs services de transport publics et privés dans des abonnements. Par exemple, l’application Whim, présente à Vienne, Anvers, Helsinki, Tuk, Tokyo et Birmingham, développée par MaaS Global, intègre à la fois les transports en commun, les modes en free-floating et les taxis.

En France, la plupart des MaaS sont développés dans le cadre de marchés publics, par l’opérateur de transport en commun ou un acteur tiers. Il s’agit d’une infrastructure supplémentaire dans le système de transport public, au même titre qu’un tramway ou une ligne de bus : le MaaS est une sorte d’infrastructure numérique.

Le déploiement de telles solutions dans le cadre du secteur public qu’est celui des transports urbains en France soulève un certain nombre de questions concernant l’inclusivité de ces services : les territoires sont-ils tous intégrés ? L’ensemble des habitants ont-ils accès au service quelles que soit leurs caractéristiques sociales ou économiques ? En effet, la construction du MaaS implique à la fois la digitalisation des transports et l’association dans un même système de transport de services publics et privés. Quels sont les impacts de ces deux processus sur l’inclusivité globale du MaaS ? Comment ses enjeux digitaux ?

 

Le MaaS ne crée pas le transport mais il peut en améliorer son usage en combinant offre publique et privée au service de l’inclusivité

La Loi d’Orientation des Mobilités1 prévoit un cadre pour éviter d’éventuelles conséquences négatives du développement du MaaS au niveau territorial. L’article 28 oblige les opérateurs de MaaS à référencer l’ensemble des services à l’échelle du bassin de mobilité. Il s’agit ici de limiter l’apparition de zones exclues du MaaS malgré la présence de services de mobilité.

Au-delà de cet article, peu d’obligations existent pour les opérateurs de MaaS en matière d’inclusion sociale et territoriale. Pourtant d’autres actions sont possibles. Les transports privés inclus dans le MaaS pourraient avoir des contraintes similaires à celles des transports publics, qui agissent pour l’inclusivité à la fois sociale (aménagements pour les personnes à mobilité réduite, tarification sociale…) et territoriale (création de lignes pour désenclaver certains territoires…). Les transports privés inclus dans le MaaS pourraient mettre en oeuvre des actions similaires. Par exemple, Transport for London a mis en place un programme d’évaluation d’impact sur l’égalité (equality impact assessment) qui incite les opérateurs privés à favoriser l’accès à leurs services grâce à des tarifications sociales. En Amérique du Nord, les services de micromobilité intègrent des mesures pour l’égalité à travers une communication ciblant les femmes (moins utilisatrices de ces services).

 

Digitalisation, dématérialisation et inclusivité

Un frein à l’inclusivité des MaaS actuels est qu’ils ne proposent que rarement un support physique. Les différentes étapes du déplacement (calcul d’itinéraire, choix des modes, achat de titres et validations pendant le trajet) sont toutes accompagnées via une application smartphone. Par ailleurs, si les services autour des transports publics inclus dans le MaaS conservent une version physique en dehors du MaaS (guichets, carte ou ticket de transport…), les opérateurs privés ont souvent des offres 100 % numériques. Dans ce contexte, les utilisateurs du MaaS doivent être capables d’utiliser ces services numériques ce qui implique un équipement adapté et un certain nombre de compétences.

Selon le baromètre numérique 2021, 35 % des Français ne sont pas à l’aise avec le numérique. Si on s’intéresse plus précisément au smartphone, 16 % de la population ne possède pas de smartphone et 27 % n’utilise pas de smartphone quotidiennement2. Une solution d’inclusion au MaaS en dehors du smartphone devrait donc être envisagée pour cette part non négligeable de la population. Par ailleurs, la possession d’un smartphone ne signifie pas la mobilisation de toutes ces potentialités. Il convient de dissocier dans l’analyse du rapport au numérique l’accès au matériel et les motivations et attitudes quant à son utilisation3. Dans ce contexte, associer un guichet physique au MaaS permet l’inclusion de tous les usagers à l’information, aux abonnements existants et à un soutien technique par du personnel formé. Par ailleurs, des solutions existent pour faciliter l’interopérabilité des supports de billettique cartes et smartphone et lever le frein constitué par la billettique dématérialisée : le MaaS viennois a fait une tentative de support sur une carte en 2015 qui n’a pas été concluante et en 2019, Citymapper a lancé une carte à Londres qui est toujours en circulation.

 

UN FREIN À L’INCLUSIVITÉ DES MAAS ACTUELS EST QU’ILS NE PROPOSENT QUE RAREMENT UN SUPPORT PHYSIQUE

 

16 % DE LA POPULATION NE POSSÈDE PAS DE SMARTPHONE ET 27 % N’UTILISE PAS DE SMARTPHONE QUOTIDIENNEMENT

 

L’amélioration des services de transport pour tous : la condition sine qua non du MaaS

L’un des objectifs du MaaS est de fluidifier l’accès aux services de mobilité et favoriser ainsi des pratiques alternatives à l’autosolime. Dans ce contexte, la digitalisation est à la fois un atout et une limite. L’avénement de la mobilité numérique peut être accompagné de nouveaux facteurs d’exclusion de la mobilité pour des populations précaires qui souffrent d’un déficit d’acculturation aux usages du numérique et de matériel disponible4. La vulnérabilité face à la digitalisation des services de transport combine les inégalités d’accès au numérique et aux services de transport. Plusieurs segments de population aux facteurs de vulnérabilité transverses sont identifiables5 : femmes, personnes âgées, personnes avec un faible niveau d’éducation ou de faibles revenus, habitants de quartiers populaires ou d’espaces ruraux….

Le développement du MaaS en France s’inscrit dans la construction de solutions de mobilité plus durable : il s’agit de ne pas creuser les inégalités d’accès à la mobilité et de veiller à construire des services de MaaS inclusifs. En ce sens, la prise en compte des populations vulnérables et de leurs caractéristiques est essentielle pour la construction du MaaS. Une réflexion qui mettrait l’inclusivité au centre peut faire du MaaS un levier pour l’amélioration de l’accès à la mobilité. Ainsi, le MaaS peut participer à l’amélioration des services de transport existants en mettant ses atouts en termes de fluidité et de lisibilité au service de l’inclusivité.

1 GART, 2020, LOM : décryptage du GART, 84p.
2 Arcep, 2021, Baromètre du numérique,
3 48p. 3 Lupač, P. (2018). Beyond the digital divide : Contextualizing the information society.
4 AdCF, France Urbaine et Trasndev, 2021, Quartiers populaires et politiques de mobilités : enjeux et retours d’expériences locales, 96p.
5 Anne Durand, Toon Zijlstra, Niels van Oort, Sascha Hoogendoorn-Lanser & Serge Hoogendoorn (2022) Access denied ? Digital inequality in transport services, Transport Reviews, 42 :1, 32-57

Ewa

Keolis remporte un nouveau contrat pour desservir 34 lignes de bus en Seine-et-Marne

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Keolis remporte un nouveau contrat dans le cadre de la mise en concurrence du réseau de bus en moyenne et grande couronne francilienne. Le 25 mai, Ile-de-France Mobilités lui a attribué l’exploitation de 34 lignes de bus desservant l’Ouest du département de Seine-et-Marne (Communautés de Communes des Portes Briardes, de l’Orée de la Brie et du Val Briard, le Nord des Communautés de Communes de la Brie des Rivières et Châteaux et de la Brie Nangissienne).

Cette délégation de service public débutera le 1er janvier 2023 pour une durée de 6 ans.