Le Forum Vies Mobiles, think tank expert de la mobilité, a mené plusieurs études et recherches sur le périphérique parisien et les défis liés au covoiturage, notamment avec la Fabrique écologique entre 2022 et 2023.
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Où en est le plan covoiturage du gouvernement ?
Le Plan Covoiturage du gouvernement ambitionne de faire passer le nombre de trajets du quotidien covoiturés de 900 000 par jour à son lancement, en janvier 2023, à trois millions en 2027. Selon le plan du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) présenté en juin 2023, le développement du covoiturage peut permettre d’économiser chaque année entre 3 et 4,5 millions de tonnes de CO2, soit environ 12% des économies attendues à l’horizon 2030 dans le domaine des mobilités terrestres des personnes.
Las, au vu des données actuelles, l’objectif de trois millions de trajets d’ici deux ans semble irréaliste. Si le Plan covoiturage estime à « 50 millions » le nombre de sièges vides circulant chaque jour et qu’on pourrait remplir, seulement 0,5% des déplacements quotidiens (tous modes de transport confondus) sont réalisés en covoiturage. Même dans l’agglomération de Rouen, « championne du covoiturage » selon les plateformes numériques, avec quinze fois plus de trajets covoiturés que la moyenne nationale au premier trimestre 2023, seulement 0,38% des trajets locaux en voiture ont été covoiturés via l’utilisation d’une plateforme numérique
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Quels sont les freins à la pratique du covoiturage ?
Les premiers sont structurels. Les territoires où le covoiturage serait le plus pertinent sur les plans économique, écologique et social, sont justement ceux où il a le moins de chance de se développer : les zones rurales et peu denses. Les experts de Forum Vies Mobiles et de la Fabrique Ecologique relèvent aussi un problème de mode de vie et d’aménagement du territoire. Les activités y sont dispersées suite, notamment, à l’absorption par les métropoles d’espaces ruraux ou semi-ruraux où la population augmente mais où l’emploi diminue.
C’est donc finalement autour des déplacements domicile-travail d’une vingtaine de kilomètres, en zone dense, aux heures de pointe et à proximité des métropoles, que s’est structuré le marché national du covoiturage du quotidien, intermédié par des plateformes comme Karos ou Blablacar Daily.
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Le rôle des plateformes est-il déterminant ?
Si les trajets, sur les plateformes numériques, a bien été multiplié par deux entre 2022 et 2023, les volumes restent dérisoires : au 1er semestre 2023, 0,04% des kilomètres parcourus sur des trajets du quotidien l’ont été en covoiturant via une plateforme. Le nombre de trajets réellement mutualisables pour atteindre les objectifs gouvernementaux restent une inconnue.
La possibilité offerte par la loi mobilités (Lom) aux collectivités locales de subventionner les trajets covoiturés n’a pas eu non plus les effets vertueux attendus. Elle a fait entrer le covoiturage dans le domaine marchand en permettant de subventionner les trajets au-delà du simple remboursement ou partage des frais, ce qui était la définition initiale du covoiturage. Mais les politiques publiques ne concernent pas le secteur informel qui est pourtant censé augmenter de près de deux millions de trajets d’ici 2027.
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Quelles mesures pourraient accélérer la tendance ?
Une hausse de la pratique dépend de trois facteurs : le développement d’aires de covoiturage, la mise en place de voies dédiées placées sous contrôle et la possibilité d’un remboursement via le Forfait Mobilité Durable versé par les employeurs volontaires. « Trois ans après son instauration, seuls deux employeurs privés sur cinq proposaient le Forfait Mobilité Durable à leurs salariés », remarque Tom Dubois, porte-parole du Forum Vies Mobiles, dont le grand projet actuel consiste à dessiner et chiffrer un système complet alternatif à la voiture. L’étude porte sur sept départements mais sera extrapolé au niveau national.
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