Alors que l’idée d’un TGV entre Paris et Berlin faisait l’actualité l’été dernier avec la polémique sur la desserte ou non de Strasbourg, un autre train entre les deux capitales, de nuit cette fois, desservira bien la métropole alsacienne. Car dans le sillage des annonces faites il y a trois ans par la SNCF, la DB, les CFF et les ÖBB, la relation de nuit entre Berlin et Paris sera à nouveau proposée à partir du 11 décembre prochain, le premier départ de Paris ayant lieu le lendemain. Et comme durant les dernières années avant la suppression du précédent Paris – Berlin de nuit, en 2014, le nouveau train partira à Paris de la Gare de l’Est et empruntera un itinéraire géographiquement moins direct que du temps où il partait de la Gare du Nord et traversait la Belgique. D’où un nouveau temps de trajet de 13 à 14 heures, soit deux à trois heures de plus qu’à la fin des années 1990 et avec des horaires qui conviendront plus aux touristes qu’aux professionnels… Mais Strasbourg, Francfort, Erfurt et Halle seront desservies au passage, même si les heures ne sont pas les plus confortables : par exemple, le train parti de Paris-Est à 19 h 12 quittera Strasbourg à 23 h 42 pour arriver à Berlin Hbf à 8 h 26, alors que dans l’autre sens, le départ de Berlin Hbf est fixé à 20 h 18, pour une arrivée à 5 h 50 à Strasbourg et à 10 h 24 à Paris-Est.
La bonne nouvelle est que le lancement du Paris – Berlin se produit à la date prévue, deux ans après le grand retour des trains de nuit Paris – Vienne, mais la mauvaise est que jusqu’en octobre prochain, les départs ne seront proposés que trois fois par semaine : les mardis, jeudis et samedis dans le sens Paris – Berlin et les lundis, mercredis et vendredis dans le sens Berlin – Paris.
Un bon point tout de même, pour qui est prêt à faire un détour par Bruxelles : le train European Sleeper part de la Gare du Midi pour Berlin les lundis, mercredis et vendredis, avec retour Berlin – Bruxelles les mardis, jeudis et dimanches. En combinant les départs de Paris ou Bruxelles, on peut trouver une relation six jours par semaine (en outre, le Bruxelles – Berlin d’European Sleeper sera prolongé à Dresde et Prague à partir du 25 mars prochain).
Comme le train de nuit Paris – Vienne, aux voitures duquel elle sera attelée entre Paris et Mannheim, la nouvelle tranche Paris – Berlin sera composée de six voitures Nightjet : deux voitures places assises (132 places au total, à partir de 29,90 euros), deux voitures couchettes (108 places au total, à partir de 59,90 euros) et deux voitures-lit (72 places au total, à partir de 92,90 euros). Ces places sont désormais en vente, entre autres sur le site Nightjet, où tous les horaires et tarifs sont présentés en français.
P. L.
La SNCF fait de la résistance. Malgré la pression des élus alsaciens réclamant un arrêt à Strasbourg de la future relation à grande vitesse Paris – Berlin, soutenus par le ministre des Transports, la SNCF n’a pas cédé, expliquant que le tracé privilégié, par elle-même et la Deutsche Bahn, est une liaison Paris – Francfort par Sarrebruck prolongée à Berlin. Et le justifie par des raisons techniques.
Ce train à grande vitesse attendu à la fin de l’année 2024 devrait donc franchir la frontière franco-allemande du côté de Forbach plutôt que sur le Rhin. En passant par la Lorraine, mais pas par l’Alsace. Raison invoquée : le futur « TGV » Paris – Berlin (en fait un ICE BR 407 opéré par la DB, déjà autorisé sur les parcours Paris – Francfort et, bien sûr, sur le réseau allemand) sera un prolongement de la desserte actuelle Paris – Francfort, via Sarrebruck.
La raison invoquée par Jean-Pierre Farandou, dans un courrier au ministre des Transports cité par Les Échos, est que cette solution « pourrait être mise en œuvre assez rapidement, avec un horaire de qualité pour les clients entre Paris et Berlin ». Alors que partir des dessertes actuelles par Strasbourg n’offrirait pas des heures de départ ou d’arrivée attractives. Car une fois mis à part les horaires des dessertes actuelles, force est de constater qu’en matière de temps de parcours, les itinéraires par Sarrebruck ou Strasbourg sont techniquement équivalents, à la minute près (3 heures et 38 minutes) : le premier est beaucoup plus court, mais se fait par ligne classique, entre 110 et 160 km/h, entre le nord de la Lorraine et Mannheim, alors qu’en faisant le détour par Strasbourg, la même relation est presque intégralement réalisée sur LGV à l’ouest su Rhin et sur ABS (ligne aménagée) à l’est.
Alors, match nul ? Pas tout à fait, car, au-delà d’une refonte des dessertes franco-allemandes, un passage par Strasbourg ne serait pas exempt de problèmes liés à l’infrastructure. En commençant par la traversée de Strasbourg, qui si elle se fait sur le papier à 160 km/h au nord de la gare et de 100 à 120 km/h à l’est, est dans les faits souvent sujette à des ralentissements, voire à des arrêts, très pénalisants pour la tenue de l’horaire. Plus à l’est, le tronçon du Rhin au triangle d’Appenweier (100 à 140 km/h) n’est pas le meilleur endroit pour regagner des minutes perdues. Et, plus au nord, la ligne allemande de la vallée du Rhin, en plein travaux de modernisation, est durablement marquée par l’effondrement de Rastatt, qui a paralysé toute la région durant l’été 2017. Sans oublier que le trafic fret est ici un des plus importants d’Europe, sur le corridor Rhin-Alpes. Autant d’éléments qui plaident pour l’itinéraire plus « tranquille » via Sarrebruck.
Strasbourg et l’Alsace sont-ils tellement perdants à voir le TGV Paris – Berlin passer ailleurs ? Pas vraiment, car, à bien y regarder, quel est le but recherché, au-delà du symbole ? Si c’est d’aller de Strasbourg à Paris, le service actuel est globalement performant, question temps de parcours, et un train en provenance de Berlin n’améliorera pas l’offre, bien au contraire, vu qu’il aura statistiquement une chance sur trois d’être en retard en arrivant d’Allemagne.
En revanche, si le but est d’aller de Strasbourg à Berlin, force est de reconnaître que la desserte actuelle est plus que médiocre, d’autant plus qu’au moins un changement est nécessaire : à Offenbourg, si l’on part en TER, ou à Francfort, en TGV ou ICE. Et en combinant la fréquence insuffisante des TER et TGV/ICE transfrontaliers aux retards chroniques côté allemand, le voyage, de plus de six heures sur le papier, devient vite interminable. Un train sans changement serait donc le bienvenu pour offrir un temps de parcours acceptable et sans correspondances ratées. Mais pas la peine de le faire partir de Paris pour autant !
Enfin, il y a un troisième larron dont personne ne parle, lorsque l’on oppose les itinéraires via Sarrebruck ou Strasbourg : prendre Thalys via Bruxelles et Cologne ! Car si on peut techniquement espérer qu’un train sans changement arrive à relier Paris-Est à Berlin Hbf en 8 heures environ (les meilleurs temps de parcours entre Francfort et Berlin étant de 4 heures actuellement), il est déjà possible de relier les deux capitales au départ de Paris-Nord en 8 heures et 20 minutes en Thalys et ICE, avec un changement à Cologne. En fournissant un petit effort, on pourrait descendre en-dessous de 8 heures, tout en desservant Bruxelles, autre capitale européenne !
Les élus alsaciens ont entendu le message. Mais ne renoncent pas complètement. Dans un communiqué publié le 22 juin, l’Eurométropole de Strsabourg explique que « reste ouverte la possibilité d’une liaison Paris – Strasbourg – Berlin, dès lors que l’ensemble des parties prenantes, et notamment les États, Länder, régions et opérateurs ferroviaires, parviennent à en définir les modalités de mise en œuvre. Les actions engagées par les parties prenantes, en France comme en Allemagne, se poursuivent à cette fin ».
Patrick Laval